MONTMAGNY – La Société d’histoire de Montmagny a rendu un vibrant hommage à cinq filles du Roy venues s’établir à Montmagny et Cap-Saint-Ignace, ainsi qu’à certains de leurs descendants et descendantes, à l’occasion de son souper annuel qui a eu lieu le samedi 2 novembre, au sous-sol de l’église Saint-Thomas.
Le souper musical et animé a fait salle comble, réunissant 128 convives, dont la présidente de la Société des Filles du Roy, Mme Irène Belleau, auteure et conférencière.
Rappelons que c’est le 22 septembre 1663, il y a 350 ans cette année, qu’un premier contingent de 36 Filles du Roy débarqua à Québec. Durant dix ans, elles seront quelque 800 femmes à venir s’établir en Nouvelle-France, engendrant une nombreuse descendance.
Les Filles du Roy devant la fresque du Berceau de Montmagny. Louise Robin (jouée par Bibiane Bossé), Élizabeth Agnès Lefèvre (Odile Thibault), Louise Faure dit Planchet (France Clavet), Marie Madeleine Normand (Carole Gendron), Jeanne Savonnet (Claudine Landry).
Photo: Richard Lavoie
Touchante pièce
Pour l’occasion, l’on a présenté une pièce de théâtre mettant en vedette les cinq pionnières. Ces aïeules magnymontoises et capignaciennes ont raconté, à tour de rôle, des pans de leur histoire et de l’épopée de ces courageuses femmes qui arrivaient dans un beau, mais rude pays, totalement différent de la France.
Louise Faure Planchet, épouse de Pierre Gagné, établie en 1668 à Cap-Saint-Ignace, a fait une excellente introduction de leur histoire, parlant de dote, du contexte matériel d’établissement en Nouvelle-France et du fait que ce sont elles qui ont faisant tripler la population de la colonie à plus de 9 000 habitants en dix ans. « Le Roi pouvait enfin se réjouir », de dire celle-ci. Aussi, elle ne s’est pas gênée pour rabrouer le Baron de Lahontan qui avait terni leur réputation « en insinuant que nous étions des femmes aux mœurs douteuses ». Un texte bien fignolé, comme les autres d’ailleurs, présenté par France Clavet, dans ce rôle.
Ce fut ensuite le tour de Jeanne Savonnet, orpheline, mariée à Jean Soucy dit Lavigne dans son premier mariage, installée à Cap-Saint-Ignace, en 1670. Elle avait appris chez les religieuses à lire, tricoter, faire de la lingerie et de la dentelle en plus « d’avoir reçu un solide enseignement religieux », mentionne-t-elle fièrement. Toutes choses qui la préparaient pour venir s’établir ici. Elle s’est mariée trois fois et a finalement terminé ses jours à Rivière-Ouelle.
Élizabeth-Agnès Lefèvre a narré être parti de Dieppe en 1670. Elle s’est marié cette même année avec François Thibault, de Cap-Saint-Ignace. « En montant à bord de ce navire, je sais que je ne reverrai plus jamais mes amis, ni Paris, ni la France. Mais le grand défi de découvrir le Nouveau Monde, d’y trouver un mari, de m’établir et d’y fonder une famille apaise un peu mon angoisse. » Elle raconte également sa traversée d’une durée de deux mois : « Il est difficile d’imaginer les conditions épouvantables dans lesquelles nous étions », laisse-t-elle tomber.
Moment d’émotion. L’une des Filles du Roi remettant un parchemin de filiation à une descendante.
Photo: Richard Lavoie
Puis, Marie-Madeleine Normand, mariée à Alphonse Morin dit Valcourt, établie à Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-Lacaille, en 1669, raconta son aventure. « Un terrible voyage », durant lequel une soixantaine de passagers sont morts. « Parmi elles de toutes jeunes filles de 12, 13, 14, 15 ans! », lance-t-elle. Elle présenta aussi le contexte des rencontres avec les prétendants. « Ça ressemblait un peu à ce que vous appelez aujourd’hui le « speed dating », dit-elle, provoquant le rire de l’assistance.
Puis, Louise Robin, épouse de Robert Gaumond, installée à Montmagny en 1671, récite à son tour. « À 30 ans, dit-elle avec humour, j’avais déjà coiffé Catherine depuis belle lurette », c’est pourquoi elle est venue en Nouvelle-France avec l’espoir de trouver mari. S’étant occupé très jeune de la famille à la mort de sa mère. « Je savais tout faire sur la terre. Je savais cuisiner, confectionner et répare les vêtements, filer la laine, et en plus m’occuper des travaux de la ferme. » Voilà donc un bon parti, malgré son âge. « Ce que j’ai trouvé le plus difficile en arrivant ici, confie-t-elle, c’est les grands froids et la neige de mon premier hiver. Heureusement mon mari était bien installé […] Mais le froid, le froid, tout devenait comme figé dans le temps. Que je les ai trouvés longs ces hivers! » Elle s’est alors mise à aider ses compagnes moins bien établies qu’elle. Et l’on comprend qu’elle faisait office de sagefemme. « Ensemble, nous avons formé une communauté fière et solidaire », termine-t-elle.
Louise Faure Blanchet reprit la parole en guise de conclusion : « Voilà pourquoi nous sommes fières d’être des Filles du Roy. Non seulement avons-nous contribué honorablement au développement et au peuplement de la Nouvelle-France, mais nous avons aussi légué à nos familles notre courage, notre intégrité, notre culture et notre langue. »
Finalement, chacune d’entre elles mentionna de qui elles sont l’aïeule, remettant à des descendantes et des descendants présents dans la salle des parchemins de filiation. Un moment émouvant, chaudement applaudi par la foule.