À moins d’un revirement total de situation, la piscine du Cégep de La Pocatière, la seule dans la région, sera fermée définitivement. C’est la recommandation que fera la directrice générale Marie-Claude Deschênes au conseil d’administration, après le refus de l’aide de 5 millions $ à son projet de réfection par le ministère de l’Enseignement supérieur.
« Je ne comprends tout simplement pas. Tous les voyants étaient toujours au vert pour une aide finale de 5 millions $. Les communications que nous avons eues avec le ministère et les fonctionnaires ont toujours laissé entendre que le dossier était prioritaire, « au-dessus de la pile », note Mme Deschênes, ajoutant avoir travaillé avec des professionnels pour trouver des solutions aux défis techniques liés à la rénovation. « La piscine a 60 ans. Nous ne parlons plus d’entretien, mais de rénovations majeures, dont le remplacement des tuyaux. »
Mme Deschênes affirme que face aux réponses, qui semblaient toutes et toujours positives, elle avait même demandé de vider le laboratoire situé sous la piscine, le temps des rénovations, puisque cette dernière est située entre deux étages. « Les plans et devis sont faits, tout était prêt pour procéder », affirme la directrice. C’était avant la réception d’une simple réponse annonçant que la demande était refusée, sans autre explication.
Un dossier qui traîne en longueur
Depuis 2021, le Cégep a déposé plusieurs demandes de financement pour la rénovation de la piscine. En mars 2023, un financement de 1,5 million $ a été accordé, s’ajoutant à un autre de 4,3 M$ provenant du Programme de soutien aux infrastructures sportives et récréatives scolaires et d’enseignement supérieur. Cependant, ces fonds étaient insuffisants en raison de l’augmentation des coûts de construction. Le coût total du projet est passé à 10 M$.
En mars dernier, la ministre de l’Enseignement supérieur Pascale Déry avait réitéré que ce projet était « prioritaire » pour le ministère. Une rencontre avec le député de Côte-du-Sud Mathieu Rivest n’a abouti à aucune proposition de solution à court terme. « M. Rivest a suggéré une aide via un fonds d’urgence, mais ça n’a pas été accepté. Nous sommes à 5 millions $ d’une solution. Québec me dit de faire une collecte de fonds dans le milieu. C’est une utopie. Il est insensé de penser recueillir une telle somme au sein de notre communauté », poursuit Mme Deschênes.
Des cours de sécurité aquatique et des activités récréatives avaient lieu à la piscine, qui avait une vocation communautaire à 90 %. « Il n’y a aucune autre piscine communautaire intérieure dans toute la région. Vous voyez, aujourd’hui c’est la canicule, et les jeunes n’ont pas d’autre moyen pour se rafraîchir qu’un boyau d’arrosage. C’est insensé », commente Mme Deschênes, parlant de ce lieu crucial pour l’apprentissage et la sécurité des jeunes.
Depuis la fermeture préventive de la piscine en mai 2023, le Cégep a déjà investi plus de 800 000 $ de ses fonds propres pour préparer les travaux nécessaires à la rénovation. « Certains pourraient dire de la démolir et d’en construire une neuve, mais la construction d’un bassin neuf comme celui-là, c’est entre 25 et 30 millions $. Jamais aucune municipalité, ou même une MRC, ne pourrait se payer ça », conclut Mme Deschênes qui, face à cette impasse, dit n’avoir d’autres choix que de recommander à son conseil d’administration la fermeture définitive de la piscine. La prochaine rencontre a lieu en septembre.
Des citoyens déçus
L’annonce de la fermeture probable de la piscine du Cégep de La Pocatière a créé des remous dans la population. L’onde de choc a particulièrement frappé les jeunes familles qui voient s’envoler l’unique possibilité pour les enfants d’apprendre à nager dans une piscine intérieure entre Montmagny et Rivière-du-Loup.
Alexandra Dubé, de La Pocatière se désole pour ses deux enfants de deux ans et demi et huit mois. « C’est certain que j’en aurais profité avec eux, pour qu’ils apprennent à nager, mais évidemment, je ne ferai pas plusieurs dizaines de kilomètres pour ça. C’est vraiment dommage, et je sais que plusieurs personnes seront affectées par cette fermeture. »
De son côté, Pascal-André Bisson, de la fromagerie Le Mouton blanc, qui donnait une entrevue au Placoteux pour un autre dossier, a saisi l’occasion de s’exprimer à ce sujet. « Si le gouvernement nous avait donné l’argent qu’il a offert aux Kings de Los Angeles, le problème serait déjà réglé en partie! Ça me démontre que notre députation n’est pas si forte que ça à Québec. » Il souligne l’importance régionale de cette infrastructure, et fait un parallèle entre ce dossier et celui du défunt centre de ski de Saint-Pacôme, qui selon lui a été abandonné par la MRC, tout comme la piscine du cégep.
Bisson était un nageur assidu, activité qu’il a abandonnée depuis la fermeture. Lui non plus ne se voit pas parcourir plus de cent kilomètres aller-retour pour une heure de baignade. « J’ai une conscience environnementale! Comment pourrais-je justifier de brûler autant d’essence juste pour aller nager? Je ne la trouve pas drôle! » Il voit comme une perte d’attractivité pour la région l’abandon d’une telle infrastructure. « Je trouve que ça n’a aucun sens que la MRC ne fasse pas de ce dossier une priorité! »
En outre, l’enjeu de la sécurité aquatique lui paraît à lui seul être une raison majeure de se battre pour conserver la piscine. « J’aimerais que mes petits-fils apprennent à nager, et je ne peux pas leur offrir ça », ajoute M. Bisson, soulignant comme une aberration le fait que les cours de natation ne soient pas obligatoires au Québec, pays de lacs, de rivières… et de piscines. « Oui, sauver la piscine du cégep, c’est coûteux, mais ça serait enfin de l’argent bien dépensé », conclut-il avec colère.
« Pas question que la piscine ferme définitivement »
— Mathieu Rivest
« Si on me dit aujourd’hui que la décision est prise, et que la piscine du Cégep de La Pocatière sera fermée définitivement, je capote. Il n’en est pas question! » C’est en ces termes que le député de Côte-du-Sud Mathieu Rivest a commenté la décision de la direction générale du Cégep de recommander la fermeture définitive de sa piscine intérieure. Selon lui, le gouvernement a collaboré au dossier depuis le début.
« Le gouvernement du Québec a mis 5,8 millions $ sur la table. Cet argent est toujours disponible pour la rénovation de la piscine », affirme le député qui considère possible, malgré ce que tous en disent, que les 5 millions $ manquants soient amassés dans la population. « Nous sommes prêts à collaborer avec la communauté pour trouver les fonds nécessaires. »
Selon lui, le fait que la piscine soit utilisée à 90 % par la population locale, et à 10 % par le cégep, démontre que le milieu doit contribuer. « Il est crucial que tout le monde mette l’épaule à la roue, que le cégep revoie peut-être à la baisse l’envergure du projet », ajoute-t-il, évoquant la possibilité d’une participation du secteur privé.
« Ce n’est pas seulement la responsabilité du cégep d’organiser des collectes de fonds. C’est un projet qui concerne toute la communauté, et nous devons tous collaborer », a insisté celui qui demeure optimiste quant à la possibilité de trouver une solution. « Je vais travailler activement pour obtenir une flexibilité de la part du gouvernement, afin de gagner du temps et de maintenir les fonds disponibles pour la rénovation de la piscine, qui est rendue à 12 millions $. J’encourage le milieu à s’engager, incluant la MRC. » Selon la direction générale du Cégep, cette dernière n’a pas mis un sou dans le projet, alors que La Pocatière a promis 100 000 $.
À la MRC de Kamouraska
Contacté par Le Placoteux, le préfet Sylvain Roy a répondu par courriel que la MRC se désole que le ministère de l’Enseignement supérieur « ne respecte même pas sa mission de prendre soin de son propre réseau d’infrastructures collégiales », ajoutant que la Vérificatrice générale du Québec a souligné à juste titre une mauvaise planification et une lenteur gênante pour un projet supposément prioritaire selon la ministre Déry. « C’est honteux », écrit-il.
Le préfet ajoute que la région du Kamouraska ne reçoit que 3 % du PAFIRSPA de 21 M$, qualifiant notre région d’oubliée de la famille. « À la lumière de la décision du Cégep de recommander à son CA de fermer la piscine, les élus de la MRC de Kamouraska examineront toutes les avenues possibles et imaginables pour la suite, malgré le peu de moyens financiers dont la MRC dispose. Il est vital que le Kamouraska possède un tel équipement pour la santé de ses citoyens, et pour que ses jeunes du primaire puissent recevoir la formation aquatique à laquelle ils ont droit. »
Le préfet a décliné notre demande de clarifier les raisons pour lesquelles la MRC ne s’est pas engagée financièrement, privant le Cégep d’un appui supramunicipal. À ce propos, Marie-Claude Deschênes a noté que « ça aurait à tout le moins démontré au gouvernement que le milieu tient à la piscine ».
Très mauvaise nouvelle
Qualifiant la possible fermeture de très mauvaise nouvelle, le maire de La Pocatière a affirmé que depuis longtemps, la Ville réserve annuellement une valeur de 25 000 $ en heures au Cégep pour l’utilisation de la piscine. « C’est une infrastructure qui est importante pour la région. Nous avons mis 100 000 $ dans le projet parce que nous en reconnaissons l’importance. Mais nous n’avons pas la capacité financière d’un gouvernement, et devons faire des budgets équilibrés », dit M. Bérubé, précisant que le gouvernement a aussi un devoir communautaire. « C’est une question de responsabilité envers les électeurs et les jeunes qui vont apprendre à nager. »
Lui aussi considère utopique d’aller chercher cet argent en campagne de financement. « Ce projet est sur la table depuis quatre ans, et c’est au ministère de l’Éducation supérieure de s’en occuper. »
Pour Mathieu Rivest, la situation est complexe, notamment en raison de la localisation de la piscine au troisième étage du cégep, ce qui ajoute des défis d’ingénierie. « Je suis déterminé à explorer toutes les solutions possibles pour garantir que cette installation précieuse reste accessible à la communauté », conclut-il.