Comme le hasard fait parfois bien les choses! Je lisais récemment un article du Devoir (8 février 2016) dans lequel il était question de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ). La nouvelle directrice générale, Lisa Frulla, ex-députée libérale et aussi chroniqueuse bien connue, revendique un changement majeur pour son Institut : le sortir du joug de la fonction publique. Elle dit avoir écrit elle-même le projet de loi destiné aux députés de l’Assemblée nationale pour les convaincre de passer à l’action. Reconnue pour son franc-parler et sa détermination, je ne serais pas surpris qu’elle y parvienne.
Pourquoi donc parler de l’ITHQ? Tout simplement parce que c’est une situation similaire à celle de l’ITA. Sortir l’ITA de la fonction publique, c’est ce qu’il faut changer d’abord et avant tout.
L’ITHQ, l’ITA et le Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec (CMADQ) ont été créés pour répondre au besoin de diplômés dans des domaines d’activités précis. Respectées pour la qualité de leur formation, ces institutions ont évolué parallèlement au réseau de l’éducation. Le CMADQ a déjà effectué une sortie de la fonction publique. L’ITHQ est régi par une loi avec un conseil d’administration alors que son personnel relève toujours de la fonction publique. Lisa Frulla veut suivre la trace du Conservatoire. Elle a parfaitement raison. Quant à l’ITA, c’est une unité administrative du MAPAQ, sans conseil d’administration et relève d’un sous-ministre à Québec. Pour leur part, les cégeps sont autonomes avec un conseil d’administration et ont un mode de fonctionnement propre à un établissement d’enseignement collégial.
Pour sortir l’ITA du giron de la fonction publique, il y a deux options :
- créer un Institut autonome avec un conseil d’administration, une direction générale, etc. Il peut continuer à relever du ministre de l’Agriculture, mais serait dorénavant hors de la fonction publique. Il regrouperait les campus de La Pocatière et de Saint-Hyacinthe. Pour cela, il faut l’adoption d’une loi.
- greffer l’ITA (campus de La Pocatière) au cégep juste à côté. Tout en gardant son identité, l’ITA serait reliée au Cégep de La Pocatière comme l’Institut maritime du Québec l’est au cégep de Rimouski. Il appartient au ministre de l’Agriculture de décider ce qu’il ferait avec le campus de Saint-Hyacinthe.
Quand j’étais directeur général de l’ITA, je préconisais la sortie de la fonction publique. La voie privilégiée était celle d’un Institut national regroupant les campus de La Pocatière et de Saint-Hyacinthe. En 2003, le MAPAQ a regroupé administrativement les deux ITA en un seul. Mais 13 ans plus tard, force est de constater que cette approche n’a pas fonctionné. C’est sans compter les coûts plus élevés que constitue l’option 1. Pas facile de justifier cela aujourd’hui avec le climat d’austérité qui règne à peu près partout, même en éducation.
Que le cégep de La Pocatière devienne en quelque sorte le porte-greffe de l’ITA serait la voie à retenir.
En effet, pourquoi ne pas profiter d’une consolidation de l’enseignement collégial à La Pocatière en réunissant les forces vives en place? Pas besoin de nouvelles structures coûteuses, tout en réalisant probablement des économies utiles pour nos établissements. Mais ceci ne doit pas être le but recherché.
Il faudrait être aveugle pour ne pas voir le danger qui plane à l’horizon avec la baisse démographique en région. De Lévis à Matane, il y a cinq cégeps excluant le Centre d’études collégiales de Montmagny (qui relève déjà du Cégep de La Pocatière) pour desservir ce territoire. Le Cégep de La Pocatière a tout intérêt à bien se positionner. Par conséquent, tant le Cégep que l’ITA ont avantage à se regrouper et ce, non pas dans 5 ou 10 ans, mais maintenant. C’est pourquoi il faut s’occuper de l’avenir de nos deux institutions collégiales en appuyant largement cette approche, tout en s’assurant du respect de l’identité de l’une et de l’autre. C’est non seulement possible, mais aussi stimulant et prometteur pour le futur.
J’inviterais la direction du Cégep, son conseil d’administration, son personnel enseignant et non enseignant, ainsi que les instances syndicales à considérer sérieusement cette avenue. C’est important aussi pour le personnel de l’ITA de se manifester. En définitive, pour que l’ITA puisse continuer sa mission et contribuer au développement socio-économique, il faut trouver le meilleur porte-greffe qui va insuffler cette vitalité dont il a tant besoin. Je pense que le Cégep est tout désigné pour lui offrir cela. Ce dernier doit cependant faire preuve de leadership, car un tel changement n’arrivera pas tout seul.
Je suis persuadé que les ministres de l’Agriculture, de l’Éducation et du Conseil du trésor accueilleraient favorablement une proposition intelligente, porteuse d’avenir et gagnante pour tout le monde. Il serait désolant que l’ITA demeure en reste au moment où l’ITHQ s’apprête à bouger. Désolant pour La Pocatière également.
En terminant, je réitère le souhait que le mémoire envoyé l’an dernier au ministre de l’Agriculture par messieurs Hudon et Soucy, respectivement maire de Ville La Pocatière et préfet du Kamouraska, soit rendu public. Voilà, il me semble, une belle façon de susciter intérêt et mobilisation de la collectivité tout entière. On aura sûrement besoin d’un appui bien senti de la population.
André Simard
Directeur général de l’Institut de technologie agroalimentaire 1996-2010