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Relève entrepreneuriale : Un enjeu qui ne se tarit pas

La Boulangerie La Pocatière s’est trouvée récemment une relève entrepreneuriale inespérée. La pandémie, la pénurie de main-d’œuvre et la disparition anticipée de certains secteurs d’activités économiques dans un marché en pleine mutation viennent complexifier les perspectives de ventes pour les entrepreneurs prêts à céder le flambeau.

Autant dans Kamouraska que dans L’Islet, la relève entrepreneuriale demeure un enjeu. Croire qu’elle est inexistante est toutefois erroné. Au CAE Montmagny-L’Islet, la directrice générale Mireille Thibault parle de quatre à cinq dossiers travaillés en accompagnement par année, des statistiques pratiquement similaires à celles de la SADC du Kamouraska ou du département de développement économique à la MRC de Kamouraska.

« Ce qui fonctionne surtout de notre côté, c’est la reprise de commerces de services ou le commerce de détail », souligne Mireille Thibault.

Au Kamouraska, les intervenants interrogés citent également le commerce de détail en premier, mais également la transformation alimentaire, les résidences pour aînés et la restauration. Les cas de reprise dans le domaine manufacturier sont plutôt rares. Dans Montmagny-L’Islet, ce secteur d’activité beaucoup plus fort qu’au Kamouraska est de ceux qui cherchent activement de la relève, selon Mireille Thibault.

« Il y en a à vendre actuellement. Mais le facteur humain, c’est ça le plus important. Au-delà d’avoir le désir et les sous, le cédant vend son bébé. Pour lui, ça doit cliquer avec le repreneur », poursuit-elle.

L’importance de ce facteur humain est un autre point sur lequel insiste énormément Dominique Gaudreau, conseillère en entrepreneuriat à la MRC de Kamouraska. Il n’est pas rare de voir des transactions achopper en raison d’un mauvais jumelage cédant-relève dès le départ.

« L’évaluation de l’entreprise que fait souvent le cédant peut aussi rebuter une relève. Parfois, le vendeur a une vision trop optimiste de la valeur de son entreprise et on peut le comprendre, c’est émotif. Mais si le prix est déraisonnable, le releveur va aussi avoir de la difficulté à se faire financer. » La conseillère en entrepreneuriat conseille donc au vendeur de faire affaire avec une ressource externe et indépendante pour procéder à l’évaluation de son entreprise.

À la SADC du Kamouraska, la conseillère aux entreprises Lyne Rossignol insiste d’ailleurs sur l’importance de bien s’entourer — institutions financières, comptables, organismes comme les leurs, etc. — afin de maximiser les réussites d’une reprise. Pour les cédants, on suggère même de verbaliser leur quête de relève.

« Souvent, ce qu’on voit, c’est des entrepreneurs qui veulent garder ça secret pour ne pas déstabiliser leurs clientèles et leurs employés, ou se mettre en situation de faiblesse par rapport à la concurrence. On peut comprendre, mais ça peut aussi empêcher d’avoir accès à un bon releveur », ajoute Anik Briand, directrice générale à la SADC.

Coordonnatrice au programme Lancement d’une entreprise au Centre de service scolaire de Kamouraska–Rivière-du-Loup, Brigitte Gagnon souligne qu’environ 25 % des entreprises sont réellement affichées comme étant à vendre. L’autre 75 % se découvre par bouche-à-oreille ou parce que des entrepreneurs intéressés à racheter ont fait une approche spontanée.

« C’est pourquoi on demande toujours aux gens qui viennent valider leur idée d’entreprise au premier cours s’ils ont pris la peine de vérifier autour d’eux s’il n’existe pas quelque chose de potentiellement à vendre. Ceux qui le font sont souvent surpris de ce qu’ils découvrent », enchaîne-t-elle.

La restauration, par exemple, est un domaine dans lequel une relève qui se présente de façon impromptue pourrait être surprise de l’accueil qu’on lui réserve. « Et malgré tout ce qu’on entend sur le domaine, surtout depuis le début de la pandémie, je peux vous assurer qu’à Lancement d’une entreprise, on en voit encore des passionnés prêts à partir de zéro en restauration. »

Brigitte Gagnon reconnaît néanmoins que le marché de l’emploi étant d’ailleurs en pleine mutation, il en est de même pour le milieu entrepreneurial. Le modèle «une entreprise, une place d’affaires et un marché de proximité» risque d’ailleurs d’être de moins en moins la norme dans le futur.

« Les entrepreneurs qui n’ont pas pris la peine de garder leurs entreprises au goût du jour en suivant les nouvelles tendances, c’est sûr qu’elles seront moins attractives pour d’éventuels repreneurs qui vont voir tous les investissements à faire pour se mettre à niveau, en plus de l’achat initial », indique de son côté Dominique Gaudreau.

C’est sans parler que certains secteurs d’activités, bien qu’essentiels, vivent littéralement une pénurie de relève, faute de finissants dans certains domaines de profession ou parce que l’expertise nécessaire est beaucoup trop pointue. Ainsi, dans Montmagny-L’Islet, Mireille Thibault parle de tout ce qui est relatif au milieu de la santé — pharmacies, cliniques dentaires, cliniques vétérinaires. Au Kamouraska, on souligne les firmes de comptables ou de notaires.

« La relève entrepreneuriale, c’est vraiment multifactoriel, car un paquet de variables entrent en ligne de compte quand vient le temps de céder. Dans tous les cas qu’on accompagne, je dirais que le taux de réussite des dossiers de transferts est d’environ 50 %. C’est souvent un long processus, surtout pour le cédant, donc ça demande beaucoup de patience », conclut Lyne Rossignol.