Front commun pour une reconnaissance des aboiteaux kamouraskois

Vue sur l’aboiteau à Saint-André-de-Kamouraska. Photo : Archives Le Placoteux.

La MRC de Kamouraska, l’UPA du Bas-Saint-Laurent et son syndicat local unissent leurs forces pour réclamer du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) une reconnaissance des aboiteaux kamouraskois comme ouvrage de protection contre les inondations (OPI). Sans cette reconnaissance, des agriculteurs et des entrepreneurs de la région doivent se soumettre à de nouvelles contraintes quant au développement et à l’exploitation de leurs propriétés foncières.

La mise en œuvre de ce nouveau régime transitoire, le 1er mars dernier, est en quelque sorte une claque en plein visage pour certaines entreprises, municipalités et fermes kamouraskoises. Situées en zone inondable, si ce n’était de la présence des aboiteaux qui les protègent d’une submersion lors des débordements du fleuve, elles sont contraintes de se comporter comme si ceux-ci n’étaient pas un OPI. Adieu projets d’expansion pour certaines entreprises, culture de larges bandes de terre pour les agriculteurs, ou même nouvelles constructions dans certaines municipalités comme Saint-André-de-Kamouraska, située en zone inondable dans sa presque totalité.

En 2020, des représentations ont pourtant été faites auprès du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) par la MRC de Kamouraska afin de faire reconnaître les aboiteaux comme OPI. La MRC a touché à ce moment une aide financière de 300 000 $ de la ministre Andrée Laforest afin de mener des études géologiques et hydrologiques devant documenter le « comportement » des aboiteaux au Kamouraska. Le préfet Sylvain Roy et le maire de Saint-André-de-Kamouraska Gervais Darisse sont convaincus que les résultats de ces études, attendus sous peu, entérineront ce qu’ils affirment depuis tout ce temps, soit que les aboiteaux sont efficaces pour lutter contre la submersion côtière au Kamouraska.

« Saint-André a été touchée par une inondation centenaire le 6 décembre 2010. La digue [aboiteau] qui protège le village a depuis été relevée de 1 à 1,5 m par endroits, aux frais du ministère de la Sécurité publique. Des tempêtes, on en a eu d’autres depuis, sinon tous les ans, et les aboiteaux ont fait leur travail. S’ils n’étaient pas efficaces, pas sûr que les compagnies d’assurance assureraient encore les résidences et les commerces du village, pas plus que les institutions financières ne prêteraient pour des hypothèques », a déclaré Gervais Darisse.

UPA

À la Fédération de l’UPA du Bas-Saint-Laurent et au Syndicat de l’UPA de Kamouraska, on appuie les démarches de la MRC dans ce dossier. Pour les agriculteurs, le nouveau régime transitoire vient avec l’obligation de déclarer au MELCC la partie de leurs terres qui est jugée inondable. Or, comme le MELCC considère que ce qui est à proximité de l’aboiteau est en zone inondable, certains producteurs se retrouveraient à devoir abandonner jusqu’à 20 % de leur superficie en culture afin de respecter le nouveau cadre réglementaire.

« Les largeurs des bandes seraient beaucoup plus grandes que ce qu’on vit actuellement. Au lieu de 3 m des cours d’eau, on tomberait à 5 m. Au lieu de 1 m des fossés, on serait à 3 m. On ne pourrait plus non plus faucher ces bandes végétatives avant le 15 août de chaque année, sans parler des restrictions sur les épandages et le choix de nos cultures qui devraient toujours être pérennes. Cette réglementation a un impact direct sur notre travail au sol, nos rotations de cultures et la rentabilité de nos entreprises. Et ça, malgré le fait que les producteurs sont unanimes pour dire qu’en bordure de l’aboiteau, ça ne déborde pas », s’est exclamée Nathalie Lemieux, vice-présidente de la Fédération de l’UPA du Bas-Saint-Laurent et responsable des dossiers d’aménagement et d’environnement.

Appel au MELCC

Devant ce cadre réglementaire jugé incompréhensible, contre-intuitif et inadapté à la particularité géographique du Kamouraska, la MRC et l’UPA demandent au MELCC de reconnaître les aboiteaux comme OPI. Une résolution adoptée par le conseil des maires le 14 septembre dernier insiste même auprès du MELCC afin qu’il convie la MRC de Kamouraska et la Municipalité de Saint-André-de-Kamouraska à participer au comité qui se penche sur la rédaction du nouveau cadre réglementaire de désignation d’un OPI. Cette participation permettrait notamment de partager les conclusions attendues des deux études financées par le MAMH au sujet des aboiteaux.

« Nous sommes prêts à travailler avec le Ministère maintenant. On comprend que nous sommes actuellement sur un régime transitoire, et qu’il pourrait y avoir des rajustements en notre faveur dans le régime permanent, mais ce qu’on constate sur le terrain c’est que cette période de transition pourrait prendre de cinq à dix ans. Quand on voit l’impact économique sur le développement de nos milieux, mais aussi tous les casse-tête que ça occasionne pour notre personnel administratif et nos inspecteurs qui travaillent à l’émission des permis et certificats, ce délai nous semble tout simplement déraisonnable », conclut Sylvain Roy.

De gauche à droite : Mylène Bourque, présidente du Syndicat de l’UPA de Kamouraska, Nathalie Lemieux, Gervais Darisse et Sylvain Roy. Photo : Maxime Paradis