40 ans à veiller aux besoins des femmes

Isabelle Potvin, Joanie Bérubé et Christiane Bourgault. Photo : Christine Beaudoin

Le Centre-Femmes la Jardilec et le Havre des femmes célèbrent leur 40e année d’existence en 2023. Elles témoignent d’un historique de solidarité entre les femmes de Montmagny-L’Islet, et de lutte pour améliorer leur qualité de vie.

Le 8 mars 1979, la Journée internationale des droits des femmes est soulignée pour la première fois dans la région, et inspire des femmes de L’Islet-Nord à se regrouper. L’année suivante, une fermeture industrielle à L’Islet envoie plus de 200 personnes au chômage, plongeant ainsi un nombre important de familles dans l’insécurité financière. Le groupe de femmes, qu’on appellera le Comité des onze, vient alors offrir du soutien et de l’information à celles touchées par l’événement, et remarque la haute occurrence de violence conjugale. Il décide donc de faire une « recherche-action » pour évaluer les besoins des femmes de la région.

Après avoir consulté 300 femmes du nord de L’Islet, le Comité des onze constate qu’il y a un fort besoin pour un lieu de rencontre entre femmes, et que plusieurs d’elles sont effectivement victimes de violence conjugale. Or, mis à part le CLSC, les ressources pour elles sont inexistantes. La recherche-action mène à la naissance de deux organismes en 1983 : le Centre-Femmes La Jardilec, conçu pour les rencontres, et Le Havre des femmes, un refuge pour les femmes violentées et leurs enfants.

À ses débuts, le Centre-Femmes La Jardilec ne bénéficie d’aucun financement; il fonctionne presque entièrement grâce au bénévolat. Ses services se limitent initialement aux femmes de L’Islet-Nord, mais le CLSC lui demande de les étendre; d’abord au sud de L’Islet, puis à Montmagny. Aujourd’hui encore, La Jardilec est appelé à couvrir ce territoire.

Au fil du temps, le Centre-Femmes situé à Saint-Jean-Port-Joli structure ses activités de plus en plus, et adapte sa programmation au gré des besoins changeants. La plus vieille activité du centre serait celle de la cuisine collective, en fonction depuis 30 ans.

À court de ressources

Éventuellement, l’organisme recevra aussi du financement, mais Christiane Bourgault, coordonnatrice de La Jardilec, croit qu’il est nettement insuffisant. « Le budget n’a à peu près pas bougé depuis 15 ans », déplore-t-elle, le qualifiant du « plus gros défi » à leur fonctionnement. « Oui, il y a eu des améliorations dans les années 1990-2000, mais en ce moment les besoins sont bien plus grands qu’avant et ils sont plus complexes. […] Les femmes n’arrivent pas juste avec un problème, elles peuvent vivre différentes choses en même temps : la violence, la pauvreté, puis la santé mentale qui en est affectée. »

La coordonnatrice mentionne également que dans un contexte d’inflation, la stagnation du financement mène les organismes à « s’appauvrir ». Alors que les demandes individuelles d’intervention annuelles sont passées de 440 à 970 depuis la pandémie, le manque de ressources financières a contraint le centre à réduire son nombre d’intervenantes à temps plein; elles sont actuellement trois. Si on considère le nombre moyen de jours de travail dans une année, ces chiffres indiquent que La Jardilec accueille entre trois à quatre nouvelles demandes chaque jour.

Christiane Bourgault prévient qu’en étant sous financé, « le risque, c’est qu’on se brûle. Parce que nous, on ne veut pas instaurer une liste d’attente. On répond en dedans de 24 à 48 heures pour rencontrer la femme avec des besoins, quitte à faire bousculer nos horaires. » Pour la coordonnatrice, « ce qui est primordial, c’est de réussir à répondre à tous les besoins », mais elle se désole de ne pas être en mesure de le faire pour toutes les femmes habitant le territoire qui leur est assigné. Elle souhaiterait pouvoir travailler davantage à prévenir, plutôt que de guérir.

Grands coups

Lorsqu’interrogée sur les points forts de l’organisme depuis son existence, Christiane Bourgault souligne avec fierté une recherche effectuée vers la fin des années 1990 au sujet de la place des femmes dans les lieux de pouvoir. Ce travail, qui a pris la forme d’un document intitulé Pouvoir ensemble, leur a valu le Prix Égalité dans la catégorie pouvoir et régions en 2008. La Jardilec a également été récipiendaire du prix Gouvernance du Gala Coups d’Éclat 1998-2008.

40e anniversaire

À l’aube de la 40e année d’existence du Centre-Femmes, Christiane Bourgault est inspirée par « l’évolution [du centre], mais aussi par les femmes courageuses qui l’ont parti il y a 40 ans, avec rien », en plus d’effectuer le travail d’une recherche-action.

Pour célébrer ce jalon, La Jardilec et Le Havre des femmes ont invité la population à assister à la pièce de théâtre Féministe pour homme au théâtre de Montmagny, le 30 avril. Cette représentation affiche complet, mais la pièce sera présentée à d’autres endroits, dont à Rivière-du-Loup le 3 mai.