Depuis 1999, Raynald Légaré fait vibrer de son art le village de Mont-Carmel. Mais c’est depuis l’adolescence qu’il sait que sa vie sera haute en couleurs, en volumes et en poésie.
Raynald Légaré est né dans la ville de Québec d’une famille ouvrière de quatre enfants. Vers l’âge de quatorze ans, il a pour professeur le peintre, graveur, sculpteur et chef d’orchestre Irénée Lemieux. C’est le coup de foudre. « Avec lui, j’ai découvert qu’avec l’art… avec l’art, on pouvait tout faire », révèle-t-il avec un trémolo dans la voix. « La classe était pleine de ses tableaux, le choc des couleurs m’est rentré dedans, j’en oubliais de l’écouter! J’ai commencé à peindre et je n’ai jamais arrêté. »
Ce professeur, artiste renommé en Europe mais méconnu chez lui, est resté dans l’imaginaire de Raynald Légaré toute sa vie, au point de récupérer à sa mort l’ensemble des œuvres d’Irénée Lemieux, pour en faire don à la Société d’art et d’histoire de Beauport et leur éviter de sombrer dans l’oubli.
De la ville à la campagne
Pour gagner sa vie, Raynald l’artiste travaille comme photographe et technicien en audiovisuel à la commission scolaire, puis comme magasinier. Après 30 années de service, il prend sa retraite pour se consacrer entièrement à l’art. C’est à ce moment qu’il laisse monter en lui l’appel de la campagne. « J’avais un oncle qui habitait Saint-Godard-de-Lejeune dans le Témiscouata. On y allait quand j’étais haut de même, et je capotais. Je sentais la liberté, les espaces, les odeurs, le vent, le soleil, tout se passait là! »
Après quelques recherches, c’est finalement la lumière du Kamouraska qui l’a séduit et inspiré, et en 1999 il achète la maison Massé dans le 6e Rang à Mont-Carmel. « Je n’ai pas posé de questions. Je ne regardais même pas la maison, je regardais à l’extérieur : chaque fenêtre était un tableau! »
Lichepain et le sentier
Retraité, Raynald Légaré laisse enfin sa créativité s’exprimer pleinement, jusqu’au moment où il doit se rendre à l’évidence : l’art prend beaucoup, beaucoup de place dans la maison. Convaincu par les fermes arguments de sa conjointe, Pauline Côté, il construit un atelier dans le jardin qu’il baptise Lichepain, inspiré par le livre d’Ulric Lévesque, Notre-Dame-du-Mont-Carmel, 1867-1992, où il a appris que le territoire de Mont-Carmel portait autrefois ce nom.
Il est de plus en plus habité par l’énergie de son village d’accueil et désire s’y impliquer concrètement. Inspiré par la beauté du paysage, Raynald le créateur conçoit l’idée d’un sentier culturel, et convainc le maire Yvon Soucy de la pertinence du projet. Bientôt, une délégation d’une dizaine de Carmelois se rend à Saint-Venant-de-Paquette, où Richard Séguin lui-même leur présente son sentier de la poésie.
Avec le soutien de la Municipalité et de la MRC, et grâce à la générosité de nombreux bénévoles et à celle des propriétaires du territoire qui accordent sans hésiter les droits de passage, le sentier culturel de Mont-Carmel naît en 2008. Comme son créateur, il touche à toutes les formes d’art. La première étape, Place de la peinture, rend hommage à trois peintres kamouraskoises. L’année suivante, Place de la musique met en vedette les musiciens et chanteurs de Mont-Carmel. En septembre 2013, Raoûl Duguay fait le voyage au Kamouraska pour inaugurer Place de la poésie. En octobre 2021, malgré la pandémie qui peint en rouge tout le Québec, on inaugure Place de la photographie. Et enfin, 2023 verra naître Place de la sculpture, la dernière étape de ce sentier qui fait parler de lui aux quatre coins du Québec et bien au-delà.
Et maintenant
Toute sa vie, Raynald l’artiste s’est nourri de peinture, de photo artistique et commerciale, et d’installations sculpturales. Il a aussi développé une expertise particulière avec les livres d’artiste, un type d’art où le créateur construit — et déconstruit — le livre, en collaboration avec d’autres artistes. Et de fil en aiguille, il s’essaie aussi à la poésie.
Raynald Légaré est un artiste complet qui a participé à 109 expositions un peu partout au Canada, et jusqu’en Chine. Aujourd’hui, il a encore des projets, dont il n’ose pas trop parler, mais qui concernent son amour avéré pour les bâtisseurs du Haut-Pays. Il s’essaie aussi à la musique, une forme d’art qu’il n’a pas encore explorée, mais qui l’inspire.
Bref, Raynald l’artiste a encore des choses à dire et à partager : « C’est beau de créer tout seul dans son atelier, mais partager son art avec le public, ça fait partie du processus. Quand elle est terminée, l’œuvre appartient à celui ou celle qui la regarde, et c’est beau. »