Le Blogue citoyen du Bas-du-Fleuve : Faudrait y penser

La Maison du Kamouraska, entre le fleuve et l’autoroute 20 dans la Grande-Anse à La Pocatière. Archives Le Placoteux.

Y en a qui disent que l’été est pourri. Chez nous au village, pas tant que ça, mais c’est vrai qu’il est… atypique. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’on n’a jamais vu ça, parce que ça tombe sur les nerfs de quelqu’un que je connais, et je serais désolée de lui faire ça.

Mais bon, les agriculteurs ont le brocoli noyé, ailleurs ce sont les villages au complet qui ont le sous-sol submergé, quand ce n’est pas toute la maison. Quand ça ne mouille pas, ça brûle; et ce n’est pas parce qu’on n’en parle plus que c’est fini.

Y en a qui disent qu’il va falloir s’y habituer. C’est presque fait. Quand j’écoute les gens parler autour, quand je lis les nouvelles, je ne peux pas m’empêcher de me dire que nous sommes en train de normaliser l’anormal.

On constate qu’il n’y a plus de bibittes dans nos pare-brise les jours de vacances. On est content. On en profite pour remarquer que, coudon, y a pas de bibittes au chalet non plus. Les seules lucioles la nuit sont les étincelles des feux de camp qu’on n’a plus le droit de faire. Les abeilles ont déserté la lavande et la menthe; les monarques sont aux abonnés absents, malgré toute l’asclépiade qu’on a plantée trop tard. On trouve ça ben le fun d’avoir la sainte paix pour les festivals et la randonnée.

Les jours de canicule nous font râler, mais au fond, on est bien content d’avoir un peu des Tropiques chez nous. Et quand la fraîche revient, on descend chercher la canicule à la source. En avion. Ou en paquebot plus gros que cinq fois le Titanic.

Les skieurs sont fâchés que la neige arrive tard et parte tôt, mais bon, il y a le vélo de montagne électrique pour compenser le reste du temps, c’est cool.

Notre étonnement, quand les cauchemars climatiques nous rejoignent, dure le temps d’un scoop et de quelques entrevues sur le terrain. Et puis, une nouvelle chasse l’autre, et l’actualité oublie ceux qui restent dans les ruines fumantes ou au milieu des terrains effondrés.

Justement

Parlant d’effondrement, ça m’amène à mon propos d’aujourd’hui. Parce que même si on ne croit pas trop aux prédictions de Climate Central qui ont fait la manchette il y a quelques années, et même si on commence à trouver ça normal que tout soit extrême, j’aimerais vous faire part de ce qui me chicote.

Ça me gratte chaque fois que je roule sur la 20 autour de La Pocatière ou de Rivière-du-Loup. Vous ne trouvez pas, vous autres, que cette autoroute-là est pas mal à fleur d’eau? À marée haute, le passager de la bagnole en direction ouest est au coude à coude avec la vague. Chaque fois, je me rappelle que la 20 et la 132 sont les deux seules voies de communication entre les grands centres et l’est du Québec. On est bien chanceux d’en avoir deux, vous me direz, mais comme elles ont le tracé pas mal parallèle, si l’eau passe par-dessus l’une, elle passera par-dessus l’autre.

Ça n’arrivera pas demain, je sais bien. Mais le consensus semble acquis chez les scientifiques, ça risque fort d’arriver. Alors j’aimerais qu’on réfléchisse à voix très haute sur des mesures préventives qu’on pourrait prendre aujourd’hui pour se faciliter la vie demain. J’ouvre la discussion en proposant de déménager la 20 sur le plateau appalachien, quelques kilomètres au sud. Ou à tout le moins de construire une route alternative, en haut, loin de l’eau.

Et puis aussi d’arrêter d’acheter des terrains au bord de l’eau, tant qu’à faire. Les battures sont très belles, vues de loin, et c’est plus sec en cas d’ondée excessive. Je parle pour mon coin de pays, là, mais si on pouvait faire un petit quelque chose pour les Îles-de-la-Madeleine, aussi, ça serait apprécié. En fait, il y a plein d’endroits au Québec qui mériteraient un peu de vision.

Ce n’est pas toujours l’eau, le problème; des fois c’est le feu, des fois c’est le vent. Et toujours, on répare les dégâts, jamais on ne les prévient. Et on se trouve fort dépourvu, quand l’extrême est venu et que l’assureur nous invite à danser maintenant, parce que lui, il n’assure plus.

Nous avons déclenché une révolution climatique dont nous ne maîtrisons pas les rouages. Notre planète est plus forte que nous, et nos pieds de nez insolents lui font monter le feu aux joues. Elle bouille.

Il me semble qu’on n’y pense pas assez.