Combattre la faim par le pouvoir de la collation

Des enfants de l’école des Vents-et-Marées dégustent leur collation.

Nul n’est égal devant la faim. Cette réalité est à l’origine d’un projet pilote d’une grand-maman de Rivière-Ouelle, Je collationne, démarré en septembre dernier à l’école des Vents-et-Marées. L’objectif est d’offrir trois collations par jour aux élèves de la maternelle à la sixième année, et cela, jusqu’à la fin de la présente année scolaire.

Les petits-enfants de Lorraine Carrier n’habitent pas la région, mais cela n’empêche pas la grand-maman de se préoccuper de la faim dans les écoles d’ici. Installée à Rivière-Ouelle depuis la pandémie, celle qui s’impliquait bénévolement dans diverses causes du temps qu’elle habitait la région de Québec a mis sur pied l’OBNL Je collationne avec deux autres amies : Anne Crevier et Denise Bélanger.

L’idée part d’un constat simple : lorsque les enfants quittent les CPE pour faire leur entrée à l’école primaire, les inégalités s’installent entre eux, la faim étant l’une d’entre elles. Si les parents n’ont pas les moyens d’offrir repas ou collations à leurs enfants, c’est l’estomac vide qu’ils devront passer leur journée sur les bancs d’école.

« Le cerveau représente 2 % de notre masse corporelle, mais c’est le plus énergivore, car il demande 20 % de toute notre énergie. Si on veut qu’il donne son maximum, il faut remplir le ventre, tout part de là », exprime Lorraine Carrier.

Des initiatives comme le Club des petits déjeuners permettent de combler ce vide dans certaines écoles en milieu défavorisé. Au Bas-Saint-Laurent, la démarche peine toutefois à se déployer convenablement faute de financement, comme le rapportait Radio-Canada le 1er novembre dernier. Même si l’école des Vents-et-Marées n’est pas considérée comme étant en milieu défavorisé, Lorraine et ses complices y ont vu un bon point de départ pour Je collationne. David Ouellet, coordonnateur des services éducatifs, et Étienne Michaud, directeur des écoles de Rivière-Ouelle, Saint-Pacôme et Saint-Gabriel-Lalemant, en ont facilité la mise en œuvre. Depuis le 25 septembre, une barre multigrain, un Ficello® et une gourde de fruits sans sucre sont distribués quotidiennement aux enfants.

Des bienfaits

Plus d’un mois après le début du projet pilote, Étienne Michaud confirme ses bienfaits. Avant Je collationne, des enseignantes lui confiaient que des enfants avaient parfois faim lors des pauses collation, mais qu’elles n’avaient rien à leur offrir.

Malgré l’initiative, les parents sont toujours invités à fournir un goûter aux enfants, mais, s’ils oublient, ou s’il est plus difficile monétairement de le prévoir, ils ont l’assurance que l’école fait la distribution quotidienne de trois collations par jour à tous les enfants.

« On pensait qu’il y aurait peut-être du gaspillage, que les enfants ne mangeraient pas tout, mais ce n’est pas le cas », ajoute le directeur.

De la préparation à la distribution, les pauses Je collationne sont aussi la responsabilité des élèves, sous la supervision attentive de leurs enseignantes. Ce volet permet de développer l’autonomie des enfants, en plus de consolider des notions de base en mathématique. La collation permet aussi une pause cognitive pour les enfants, en dehors de la récréation.

« Les bienfaits se font sentir autant du côté des apprentissages que du comportement. Collationner permet d’apaiser les crises chez les enfants, et de les faire socialiser entre eux. Manger, c’est très communicatif », poursuit Étienne Michaud.

Financement

Je collationne a été en mesure de démarrer ce projet pilote grâce aux fonds restant de la défunte Course de la Rivière-Ouelle, offerts par la Municipalité, et à un donateur privé qui souhaite demeurer anonyme. Au total, c’est environ 8000 $ qui ont servi au démarrage du projet, ce qui permettra de servir 22 800 collations à l’école des Vents-et-Marées d’ici juin 2024.

En constituant Je collationne en OBNL, Lorraine Carrier, Anne Crevier et Denise Bélanger ne cachent pas qu’elles désirent poursuivre l’initiative à l’école primaire de Rivière-Ouelle l’an prochain, en plus d’ajouter d’autres écoles du Kamouraska à leur curriculum. Un financement stable et récurrent est toutefois nécessaire. « On travaille à tenir un événement culturel qui nous permettrait de financer notre démarche. Les détails seront connus sous peu », conclut Lorraine Carrier.

Des enfants de l’école des Vents-et-Marées dégustent leur collation.
Lorraine Carrier et Étienne Michaud. Photo : Maxime Paradis