Le 21 janvier dernier, la nation québécoise fêtait le 76e anniversaire de son drapeau national. Orné d’une croix blanche sur fond azur, et de quatre fleurs de lys, le drapeau du Québec était classé en 2001 le troisième plus beau drapeau en Amérique du Nord.
Malgré cet état de fait, pourquoi néglige-t-on notre drapeau? Pourquoi n’est-il pas davantage présent dans notre paysage? Pourquoi voit-on souvent des drapeaux en mauvais état flotter au mât de nos édifices gouvernementaux? C’est lors de mon premier voyage aux États-Unis que j’ai compris qu’au Québec, le drapeau n’était pas utilisé à son plein potentiel.
Étonnamment, ce n’est qu’en 2015 que j’ai foulé pour la première fois le sol des États-Unis. Bien que ceux-ci soient facilement accessibles en raison de leur proximité avec le Québec, j’ai toujours été davantage attiré vers le vieux continent. Je présume ici que c’est en raison de mon amour pour l’histoire, ainsi que par le fait qu’il s’agit de l’endroit d’où venaient mes ancêtres — majoritairement français, mais également irlandais — que j’ai visité en premier lieu l’Europe, avant de me rendre au pays de l’Oncle Sam.
Néanmoins, quelle n’a pas été ma surprise, en traversant la frontière à la hauteur de Saint-Georges de Beauce, d’apercevoir à maintes reprises le drapeau de nos voisins du sud flotter un peu partout dans l’État du Maine. Que ce soit sur les poteaux, les maisons, les commerces, certains géants chez les concessionnaires automobiles, il était certain que je n’étais plus au Québec puisque je voyais la bannière étoilée à profusion. La même situation se répétait partout dans les États que je visitais.
« Mais quelle fierté! », m’étais-je dit à l’époque au sujet des Américains, constatant ainsi leur patriotisme et leur sentiment d’appartenance à leur pays. J’étais sincèrement touché par cette réalité, mais j’étais du même souffle tout aussi stupéfait de me rendre malheureusement compte qu’au Québec, notre drapeau national n’était en fait qu’un simple accessoire ne revêtant qu’une signification utilitaire, voire presque insignifiante.
Un manque de fierté
Selon un sondage datant de 2010, faute de meilleure référence, 58 % des États-Uniens exhibaient régulièrement le drapeau, ce qui était bien loin de ce qui se passait au Québec à cette époque, et qui n’a d’ailleurs pas changé aujourd’hui. Il ne faut pas posséder une maîtrise en sciences sociales pour comprendre qu’au Québec, le fleurdelisé n’est pas respecté à sa juste valeur par les instances gouvernementales québécoises, alors qu’un protocole existe pourtant à son endroit.
Combien de fois ai-je observé des drapeaux du Québec en lambeaux flottant sur les édifices sous juridiction provinciale? Que ce soit sur des écoles, ou sur des bâtiments gouvernementaux ou municipaux, j’en ai vu de toutes sortes. Même qu’à certains postes de la Sûreté du Québec, parfois, on n’avait même pas la décence de faire flotter notre drapeau national, faute de ne plus en posséder en réserve… « Il est en commande, on attend après », m’avait-on répondu lorsque, de mon propre chef, je leur avais livré un exemplaire officiel du fleurdelisé qui me restait à la maison.
Je me souviens également d’avoir entendu la défaite suivante, lorsque j’avais interrogé le Service des communications d’une entité provinciale — que je ne nommerai pas ici —, au sujet de leur fleurdelisé lacéré qui flottait : « On ne veut pas risquer qu’un de nos employés se blesse en allant changer le drapeau; c’est l’hiver. »
« Wow! », m’étais-je dit à moi-même. Et quoi répondre à ce pauvre bougre? Lorsqu’on choisit collectivement la sécurité à tout prix, combinée au risque zéro, c’est malheureusement la réponse qu’on obtient.
Maintenant, pourrait-on penser que le non-respect, ou dirais-je l’absence de considération pour notre drapeau national serait symptomatique d’un mal plus profond qui habite les Québécois? Poser la question, c’est sûrement y répondre un peu, n’est-ce pas? Mais pourtant…
Comme je l’avais naguère écrit dans un de mes blogues sur le site internet du défunt Huffington Post Québec, le Québec devrait se doter d’une politique du drapeau national, afin de favoriser notre sentiment d’appartenance à la nation. En effet, nous devons donner de l’oxygène à notre fierté nationale qui semble malheureusement s’essouffler au battement de tambour de la doctrine mondialiste.
Si Québec n’est pas en mesure de mettre sur pied une telle politique, peut-il minimalement faire respecter le protocole concernant son drapeau national, stipulant qu’il ne faut jamais arborer un drapeau lacéré ou vieilli. Il ne s’agit pas ici d’être plus catholique que le pape, mais d’avoir un minimum de fierté.
Car, Panier bleu ou Espace bleu, ce n’est certainement pas en ajoutant la couleur associée au Québec à toutes les nouvelles dénominations nationales que cette fierté se développera alors qu’à l’inverse, on néglige fortement la base, en l’occurrence, le fleurdelisé.
« Un drapeau, c’est un emblème. Un drapeau, c’est un signe de ralliement. Un drapeau, c’est une manifestation de la majorité. Un drapeau, c’est l’illustration du désir de vivre et de survivre. Un drapeau, c’est une preuve comme quoi nous ne sommes pas en curatelle ni en tutelle. Un drapeau, c’est dire que nous sommes quelqu’un, que nous descendons de quelqu’un, que nous voulons vivre notre vie et survivre dans le respect des droits de chacun, en exigeant le respect intégral de nos prérogatives, de nos droits et de nos libertés. Ben, c’est ça, un drapeau! », avait déclaré Maurice Duplessis, premier ministre du Québec, le 21 janvier 1948 lors de l’adoption de notre drapeau national.