Le phénomène de la désinformation a beau être riche en redites d’une année à l’autre — on n’a plus besoin de démontrer la capacité des algorithmes à acheminer les fausses nouvelles jusqu’aux publics les plus susceptibles d’y croire —, il y a aussi des surprises.
Qui aurait cru que des ouragans pourraient faire l’objet de désinformation? En septembre et en octobre 2024, lorsque Helene et Milton ont frappé le sud-est des États-Unis, ils ont été accompagnés d’un déferlement de désinformation entourant autant les secouristes que la nature même d’un ouragan. Le fait que des millions d’Étatsuniens aient été capables de croire que les démocrates avaient pu créer ces deux ouragans pour nuire aux électeurs républicains a démontré, si besoin était, que lorsqu’on parvient à créer chez un groupe un sentiment de détestation de l’autre groupe, on peut lui faire croire n’importe quoi.
Algorithmes et influenceurs
À partir du 13 juillet 2024, certains messages politiques sur la plateforme X ont soudain vu leur portée quadrupler, ce qui suggérait un changement dans l’algorithme visant à favoriser des contenus favorables à un parti politique plutôt qu’à un autre. Cette date correspond au moment où le propriétaire de X, Elon Musk, a annoncé qu’il soutenait Donald Trump.
En 2025, on pourra aussi mesurer l’influence qu’aura Robert F. Kennedy Jr. sur la santé publique. Mais d’ores et déjà, les mouvements qui, depuis 15 à 20 ans, nient l’importance de la vaccination — comme le Children’s Health Defense que RFK Jr. a fondé —, ont remporté une immense victoire : la désinformation sur les vaccins va accéder, sous la deuxième présidence Trump, aux plus hauts échelons du pouvoir politique. Dans le pire des scénarios, il y aurait dans les prochaines années une baisse progressive des taux de vaccination, parce que des parents inquiets face aux vaccins se sentiront confortés dans leurs craintes. Cette baisse entraînerait une hausse progressive des éclosions de rougeole et d’autres maladies évitables.
La désinformation, c’est rentable
Il a été maintes fois démontré que les soi-disant chemtrails, ces traînées blanches derrière le passage des avions, ne sont pas composées de produits chimiques, mais qu’elles sont en fait de la condensation, de la simple vapeur d’eau. En avril, l’État du Tennessee a pourtant voté une loi interdisant les chemtrails.
Par ailleurs, quatre organismes connus pour leur étalage de fausses informations pendant la pandémie ont récolté des revenus de plus de 118 millions $ US entre 2020 et 2022, dont le Children’s Health Defense de RFK Jr.
La difficulté à différencier un fait d’une opinion constitue une des causes premières de la dissémination de fausses nouvelles. Et si la marche reste aussi élevée, ont conclu cette année deux chercheurs de l’Université de l’Illinois, c’est parce que parmi tous nos biais, ce serait le biais partisan qui aurait le plus gros impact sur notre perception.
Autrement dit, notre définition d’un fait est grandement influencée par le parti politique pour lequel nous votons. Et ça peut aller très loin : en mars, une étude concluait qu’aux États-Unis, plus une région votait pour le parti républicain, plus les patients de cette région étaient enclins à prétendre avoir eu des effets secondaires à cause d’un des vaccins contre la COVID.
Combattre l’opacité des algorithmes
Cette année encore, les chercheurs qui ont été aux premières loges des études sur la désinformation ont pu constater que même les solutions les plus simples se heurtent à des obstacles politiques. Qu’il s’agisse des efforts pour imposer plus de transparence aux plateformes, ou pour limiter la propagande haineuse, les mouvements qui bénéficient le plus des fausses nouvelles sont les premiers à prétendre qu’il s’agit d’une atteinte à leur liberté d’expression.
On n’avancera pas dans la bonne direction, concluait en juin un dossier spécial de la revue Nature, tant qu’on n’aura pas légiféré pour obliger les réseaux sociaux à être plus transparents quant à ce qu’ils cachent dans leurs algorithmes, et ce qui leur rapporte le plus de revenus publicitaires.
Source : Agence Science-Presse