La fermeture récente du Marché de la Bouteillerie à Saint-Denis vient rappeler les difficultés rencontrées par les propriétaires des petites épiceries de village de la région. Si la situation est clairement difficile pour certaines, d’autres réussissent à tirer leur épingle du jeu, malgré la compétition féroce qui existe dans le marché.
À Saint-Roch-des-Aulnaies, Annie Cloutier est propriétaire de l’Épicerie du village depuis 2011. Épicerie-dépanneur traditionnelle au départ, l’établissement offre aujourd’hui pain frais, prêt-à-manger, boucherie, bières de microbrasseries, et autres.
L’été dernier, Annie Cloutier et son épicerie faisaient la manchette alors qu’elle devait procéder au remplacement des réservoirs d’essence qui n’étaient plus assurables. Elle l’avoue aujourd’hui en toute honnêteté, à ce moment, elle était « à la croisée des chemins ».
Quelques mois plus tard, la situation semble toujours aussi difficile. Son discours, il ressemble à celui de Manon Falardeau, qui était propriétaire du Marché de la Bouteillerie. « La population est peu nombreuse et les gens courent les spéciaux dans les grandes chaînes », d’indiquer Annie Cloutier. « Si les gens achetaient au moins les produits de base chez nous, ils pourraient être surpris. Sur plusieurs produits, on est souvent moins cher que les grandes surfaces », ajoute-t-elle.
Normes gouvernementales contraignantes, subventions inexistantes, financement difficile, Annie Cloutier le dit du tac au tac, « ce n’est plus ce que c’était opérer une épicerie dans un petit village. »
Le positif
À Sainte-Hélène, Tony Beaulieu, propriétaire de l’Épicerie Charest affiliée à la bannière AMI, vit une autre réalité. Propriétaire du commerce depuis 5 ans, il le dit en toute franchise : « L’épicerie va bien. »
Son secret : il essaie d’offrir la même chose qu’une grande épicerie, mais à petite échelle. « La clientèle n’est pas seulement de Sainte-Hélène, on attire également des gens autour. Mais je me considère chanceux, les gens sont sensibles à l’achat local ici. Je sais que ce n’est pas le cas partout », confie-t-il.
Seul point négatif : l’équipement vieillissant à l’intérieur de l’épicerie qui sera à changer éventuellement. Autrement, l’agence SAQ, le service de buffet, les bières de microbrasseries, le club vidéo et tous les autres services offerts par l’Épicerie Charest suffisent à maintenir un bon achalandage dans le commerce.
Les nuancées
Après avoir fait parler d’elles à la grandeur du Québec avec leurs produits à donner et leur lettre ouverte sur la réalité des agences SAQ, les épicières de l’Épicerie Chez Daniel de Mont-Carmel, Karine Habel et Kathleen St-Jean, font dans la nuance. « C’est sûr que ce n’est pas toujours facile, que c’est un milieu compétitif et que les marges de profit ne sont pas énormes. Mais en contrepartie, on bénéficie aussi de la tendance de l’achat local qui est de plus en plus “in” », d’expliquer Karine Habel.
Employée à l’épicerie pendant 12 ans avant de devenir copropriétaire l’an dernier, Kathleen St-Jean ne croit pas que les exigences gouvernementales soient pires pour les petites épiceries. « Chaque domaine a ses contraintes. Ce n’est pas facile pour personne d’être en affaire. »
Si dans un monde idéal elles s’entendent pour dire qu’elles adoreraient que leurs clients fassent tous leurs achats chez eux, Karine Habel et Kathleen St-Jean restent réalistes. « Une épicerie de village restera toujours une épicerie de deuxième ou de troisième panier. On pourra jamais compétitionner les grands de ce monde. Il faut trouver sa niche et faire son affaire sans se préoccuper des autres », concluaient-elles.