Je n’emploierai pas de formule de politesse ou de vouvoiement, car je trouve que cela mettrait une barrière dans notre communication. Je vais te raconter notre histoire pour sauver notre hôpital dans notre région. Parce que nous aussi, citoyens des régions, avons droit à des soins de proximité. Ceci n’est pas un droit exclusif aux gens des centres urbains.
Le 7 septembre 2016, mon conjoint est arrivé à l’hôpital cliniquement mort. C’est-à-dire qu’il ne respirait plus et que son cœur avait cessé de battre. Son histoire a fait les manchettes, mon conjoint est le pompier qui a subi un malaise cardiaque. Grâce à l’autorité du chef du service des incendies, à la vigilance du préventionniste, mais surtout à la réaction rapide de Tommy, son collègue pompier, mon conjoint est en vie aujourd’hui et n’a pas de séquelles neurologiques graves. Tout cela grâce à une seule chose : le délai d’intervention entre le moment de sa perte de conscience et la prise en charge par le personnel médical : moins de 5 min.
Ce qu’il a vécu
Mon conjoint a eu son malaise dans le véhicule d’urgence du service des incendies. La durée du trajet a été moins de 3 min entre la perte de conscience et l’arrivée sur le parvis de l’hôpital. C’est à cet endroit où ont eu lieu les premières manœuvres de réanimation par Tommy, et ce, directement dans le camion. Le personnel médical fut avisé et mon conjoint a été pris en charge par l’équipe médicale. 45 min plus tard, avec l’aide de plusieurs intervenants, électrochoc et médication, mon conjoint a été réanimé.
Il a été stabilisé avant son départ pour un hôpital dans la ville de Québec. Il est passé par le bloc opératoire et en est sorti vivant. Et tout cela, en moins de 6 h
Deux jours de coma, ensuite le réveil. Il me reconnaît. Nous sommes le 9 septembre. Le 10 septembre, j’avais une conversation avec mon conjoint et le 13 septembre, il rentrait à la maison.
Ce que j’ai vécu
Mon conjoint est parti tôt le matin, quelques petites communications par texto, puis plus rien. Je l’appelle : boîte vocale. Et puis soudain, le téléphone sonne : « Madame, pouvez-vous venir, votre conjoint est à l’hôpital. »
J’arrive à l’hôpital, on me transfère dans une petite salle. Le médecin arrive : « Bonjour, j’ai besoin d’informations, votre conjoint est arrivé dans un état critique. Il était mort à son arrivée. »
Pas le temps de penser, pas le temps de pleurer, pas le temps de rien. Pourquoi? Parce que je dois répondre. La seule et unique question « Combien de temps? » Toujours le temps : le temps de l’arrêt respiratoire, le temps d’arriver, toujours temps.
Pour moi, le temps vient de s’arrêter. Notre vie défile. Quel temps, je n’étais même pas là. Cherche, appelle. Les pompiers finissent par arriver à l’hôpital. Le médecin repose les mêmes questions « Trouvez-moi qui peut répondre à mes questions ».
La médecin a besoin de savoir combien de temps, parce que le temps dans ce genre d’intervention fait toute la différence. À l’intérieur de 5 min, les chances sont bonnes, en moins de 3 min elles sont excellentes. Le temps joue en notre faveur, plus le temps est court, meilleures sont les chances de ne pas avoir de séquelles neurologiques, car le cerveau n’aura pas manqué d’oxygène. Mon conjoint a reçu les soins médicaux dans un intervalle de 3 min.
Notre hôpital, notre histoire
Plusieurs facteurs ont permis ce délai. Un d’entre eux est que notre hôpital est en vie et qu’il a un personnel médical dévoué et compétent.
J’ai pu voir mon conjoint avant son transfert vers Québec. De l’autre côté du mur se trouvait une équipe médicale dont l’adrénaline venait de tomber. Ces gens me regardaient avec émotions et avec la satisfaction du devoir accompli : celui d’avoir sauvé une vie. Leur compassion, leur soutien et leurs encouragements m’ont touché. Plusieurs personnes que je n’ai pas pu voir ont également contribué à sauver la vie de mon conjoint, dont le personnel de la pharmacie de l’hôpital. Sans notre hôpital, sans médicament et sans personnel hospitalier, mon conjoint serait décédé.
Ceci est notre histoire. Elle se termine bien pour nous et il y en a d’autres histoires qui se terminent tout aussi bien dans notre région et dans notre hôpital. Un hôpital c’est comme un être humain : ça prend plusieurs départements pour permettre aux patients d’être soignés adéquatement dans un délai raisonnable. Ce délai raisonnable que ton gouvernement nous enlève peu à peu en transférant des services ici et là, sous prétexte que tout ceci est pour le mieux. Une vie n’a pas de prix. Ce sont les usagers ainsi que le personnel médical qui sont les mieux placés pour savoir les besoins de notre région. Pas les bureaucrates cachés dans leurs bureaux. Parce que c’est nous qui utilisons au quotidien les services qui nous sont offerts par notre hôpital et c’est nous qui avons failli perdre des êtres chers.
N’oublie pas que l’urgence de notre hôpital porte une affiche de l’ancien ministre Claude Béchard qui lui aussi était un candidat libéral. Je me souviens que ce ministre s’est battu corps et âme pour notre urgence. Le ministre Béchard était reconnu pour défendre sa région avec vigueur. Il serait dommage d’anéantir ce qu’il a construit.
Je termine notre histoire en remerciant tout particulièrement la Dre Claudine Ouellet qui, grâce à son professionnalisme, a su diriger la salle de réanimation le 7 septembre 2016. Je remercie également tous les autres intervenants dont je ne connais pas les noms et qui ont contribué à sauver la vie de mon mari.
Hélène Thériault, La Pocatière