Actuellement en tournée de l’Est-du-Québec, l’Association québécoise des intervenants en cannabis médical (AQICM) s’invite dans le débat sur la légalisation de la marijuana au pays, en demandant à Ottawa de légiférer la vente du cannabis seulement à des fins médicinales, ou en instaurant un système à deux vitesses où le privé aurait le contrôle seul de la vente du cannabis médical.
Copropriétaire et directrice de la Clinique la croix verte à Montréal, Shantal Arroyo est également porte-parole de l’AQICM. Depuis l’élection du gouvernement Trudeau, elle suit de près le projet de loi qui doit conduire à la légifération du cannabis au pays. « On préfèrerait que le gouvernement légifère d’un point de vue thérapeutique plutôt que récréatif », dit-elle.
Depuis 2001, si un médecin le prescrit, un patient a accès à une exemption qui lui permet de se procurer du cannabis auprès d’un producteur licencié, ou pour le produire lui-même à domicile. C’est cette façon de faire qui a permis à une quarantaine de producteurs licenciés au Canada de développer une expertise dans le domaine du cannabis médical. « Faire du cannabis de qualité, ce n’est pas facile. Développer des produits personnalisés aux problèmes médicaux de chacun et non pas proposer des produits généraux est un défi de plus », d’ajouter Mike Sandev, producteur de cannabis médicinal.
On préfèrerait que le gouvernement légifère d’un point de vue thérapeutique plutôt que récréatif.
Craintes
En légiférant sur la question du cannabis, l’AQICM craint que la plante soit banalisée aux yeux du grand public, en raison de la vocation récréative dont le gouvernement fera indirectement la promotion. « Même si le gouvernement fait de la prévention ou de la sensibilisation, ça ne l’empêchera pas d’avoir un double discours. On le voit bien sur le plan provincial avec Loto-Québec et la SAQ. Ça ne les empêche pas de vendre de la loterie à de jeunes adultes ou d’offrir un programme de fidélisation en présentant l’alcool comme un mode de vie », d’indiquer Shantal Arroyo.
De plus, elle craint que les premiers mois de la légalisation incitent les gens à se tourner vers le marché noir, où la qualité du produit n’est pas toujours au rendez-vous. « À 45 producteurs licenciés au Canada, on peine actuellement à répondre à la demande pour le cannabis médical. Il faudrait augmenter la production maintenant si on désire répondre aux besoins des consommateurs récréatifs qui vont se ruer dès le 1er juillet 2018. Autrement, si l’offre n’est pas au rendez-vous, ils vont se tourner vers le marché noir en ayant en tête que c’est “légal” », ajoutait-elle.
Mémoire
C’est pourquoi l’AQICM s’invite dans le débat, et cela, après avoir déposé un mémoire lors des consultations sur le projet de loi fédéral visant la légifération du cannabis. « Si on légiférait l’accès seulement au cannabis médical, les gens qui souffrent et qui en ont réellement besoin pourraient avoir accès plus facilement à nos produits, alors que là, ils doivent attendre une prescription du médecin, que certains se refusent toujours à faire, pour acheter auprès des producteurs licenciés », de mentionner Shantal Arroyo.
Autrement, elle croit que le gouvernement devrait instaurer un système à deux vitesses, où l’État contrôlerait le volet récréatif, alors que le volet médical resterait entre les mains de petites PME ou de coopératives. « On deviendrait ainsi des formes de pharmacies du cannabis. L’expertise qu’on a développée dans le domaine depuis 16 ans a une valeur et il serait bien qu’on le prenne en considération », concluait-elle.