Qui est l’auteur du premier roman de mœurs canadien? Et pourquoi a-t-il jugé bon d’en faire un roman d’aventures et de… magie noire? Dans un Québec à la veille des troubles de 1837-1838, Saint-Jean-Port-Joli apparaît comme un refuge d’écrivains.
Yves Hébert
On attribue la publication du premier roman de mœurs canadien à Philippe-Ignace-François Aubert de Gaspé (1814-1841). Fils du seigneur de Port-Joly Philippe-Joseph Aubert de Gaspé (1786-1871), Philippe-Ignace devient correspondant des journaux Le Canadien et Quebec Mercury à l’Assemblée nationale. Mais après avoir été mêlé à de la violence physique avec un député, il est emprisonné à Québec et par la suite se venge en lançant une bombe puante faite à partir d’ase fétide sur le poêle de l’Assemblée. Craignant d’être une fois de plus arrêté, il se réfugie chez son père à Saint-Jean-Port-Joli, qui lui-même avait été destitué en 1822 de son poste de shérif. Il décide alors d’écrire un roman intitulé L’influence d’un livre.
L’ethnologue Luc Lacoursière rapporte que pour rédiger son roman, Philippe-Ignace se serait entre autres inspiré d’un personnage douteux de Saint-Jean-Port-Joli qui possédait un grimoire appelé Le Petit-Albert, écrit par Albert Le Grand vers 1193, publié à maintes reprises depuis 1668 et vendu par les colporteurs. Son roman sera imprimé à Québec en 1837 par William Cowen. Peu de temps avant la Rébellion et le dépôt du rapport Durham, ce petit livre dépeint l’univers folklorique de son époque à travers un paysan jouant à l’alchimiste. L’œuvre a créé à l’époque une certaine onde de choc par son étrangeté et son anticonformisme. Publier à plusieurs reprises, elle continue de fasciner les historiens et les folkloristes qui s’intéressent aux années 1830. Rappelons que son père est l’auteur de deux ouvrages considérés comme des classiques de la littérature québécoise aujourd’hui : Les anciens Canadiens en 1864 et Mémoires en 1866.