19 producteurs agricoles de la région de L’Islet-Sud se sont regroupés pour présenter leurs doléances au Protecteur du citoyen, après la catastrophique sécheresse de l’été 2018 et le refus de la Financière agricole de compenser adéquatement, selon eux, les pertes encourues.
Monsieur Gérald Jalbert, propriétaire de la ferme Pamphily où se tenait le point de presse, a expliqué que malgré le paiement scrupuleux de ses primes d’assurance depuis des décennies : « le montant de la compensation versé par la Financière agricole est nettement insuffisant pour couvrir adéquatement mes pertes de foin ».
Depuis 2008, les indemnités versées aux producteurs pour le foin sont calculées à partir des données collectées par des stations météo disséminées sur le territoire. On calcule les quantités de pluie tombées pendant les périodes de croissance entre deux coupes de foin. Les formules utilisées ont cependant deux inconvénients : elles commencent à comptabiliser la pluie à compter du 1er mai, alors que les sols ne dégèlent pas avant le 25 en région montagneuse; la pluie qui tombe dans cette période n’est donc d’aucune utilité pour les plantes. Ensuite, les paramètres ne tiennent pas compte de la façon dont la pluie tombe : sur une période de 45 jours de croissance, si, comme en juillet-août 2018, les 25 premières journées sont caniculaires et sont suivies de deux jours d’orage violents, la quantité totale d’eau reçue correspondra aux quantités prévues par la formule de la Financière agricole, mais les récoltes n’en seront pas moins perdues.
C’est précisément ce que reprochent les agriculteurs à leur assureur : de ne pas tenir compte de la réalité. La Financière agricole a pourtant reconnu ces aberrations, qu’elle qualifie de « faiblesses du système », selon monsieur Raymond Leblanc, producteur bovin, qui a produit avec quelques collaborateurs un rapport détaillé et chiffré de la situation dans L’Islet-Sud.
Monsieur Leblanc déplore que la Financière ne tienne pas compte que « derrière les formules, il y a des gens. La Financière constate les défaillances du programme et fait des ajustements pour l’avenir, mais refuse de dédommager rétroactivement les producteurs pour des pertes réellement encourues. C’est inacceptable. »
La situation est encore complexifiée par le nombre insuffisant de stations météo, et leur emplacement sur le territoire qui ne tient pas compte de la disparité du climat en terrain montagneux par rapport à la plaine. Résultat : les producteurs de L’Islet-Sud n’ont reçu pratiquement aucune compensation pour la saison 2018, contrairement à ceux de L’Islet-Nord.
Et pour couronner le tout, une partie du programme de compensation est financée par le gouvernement du Québec, et l’autre par le fédéral, ouvrant la porte à des renvois entre les deux paliers qui ralentissent encore la discussion.
Représentations infructueuses
Plusieurs rencontres ont été tenues entre les producteurs et la Financière agricole, dont une en décembre 2018 qui a réuni 55 producteurs de L’Islet. L’assureur y a affirmé prendre connaissance de la situation, mais le montant des compensations n’a jamais été modifié.
Devant les faits et devant les pertes encourues, au moins un producteur, monsieur Gino Pelletier, a dû se résoudre à vendre une partie de son troupeau, la solution la moins coûteuse qui s’offrait à lui.
Les dix-neuf producteurs de L’Islet-Sud inscrits au programme d’assurance-récolte foin de la Financière agricole ont donc senti le besoin de se regrouper pour faire entendre leurs voix.
Ils présenteront donc une requête comportant leurs dix-neuf signatures à la Protectrice du citoyen, madame Marie Rinfret, pour qu’elle examine la situation. Malgré que la Protectrice ne dispose d’aucun pouvoir coercitif, monsieur Pelletier espère que d’éventuelles recommandations pourront amener un dénouement satisfaisant à cette situation.
Le président de la Fédération de l’UPA de la Chaudière-Appalaches, James Allen, a conclu : « Il est clair pour nous que les méthodes de calcul pour les compensations des programmes d’assurances doivent être revues pour mieux tenir compte de la réalité. Un élément qui améliorerait la situation serait de mieux tenir compte des périodes de croissance de la plante et de la zone climatique. »
Ailleurs au Québec, d’autres régions montagneuses voient leurs agriculteurs aux prises avec le même problème – le Lac-Saint-Jean, l’Abitibi, les Hautes-Laurentides par exemple. Le groupe de L’Islet-Sud a déjà partagé son expérience avec eux et il n’est pas impossible que d’autres requêtes soient présentées « pour créer, a conclu Gino Pelletier, un effet boule de neige ».