L’économie collaborative est à nos portes

Guillaume Lavoie. Photo : Éliane Vincent

Guillaume Lavoie est chargé de cours à l’École nationale d’administration publique. Il a présidé le groupe de travail du gouvernement du Québec sur l’économie collaborative, qui a présenté son rapport en juin 2018, et s’intéresse particulièrement à l’impact des politiques publiques sur cette économie en émergence.

Y a-t-il une différence entre l’économie circulaire et l’économie collaborative? Disons que ce sont les deux faces d’une même médaille. Les premiers exemples d’économie collaborative (ou économie de partage) qui nous viennent en tête sont tout de suite Uber et Airbnb. L’expérience du Québec face à ces deux géants n’a rien d’encourageant, mais ils ne sont que la pointe de l’iceberg, selon Guillaume Lavoie. En fait, le concept d’économie collaborative peut se résumer assez simplement : « Plutôt que de se demander comment faire plus avec moins, on cherche à faire plus avec ce qui existe déjà », explique monsieur Lavoie.

L’économie collaborative est basée sur trois principes. Le premier : utiliser les capacités excédentaires. Monsieur Lavoie donne quelques exemples : « La majeure partie des automobiles ne circulent que 5% du temps [un peu plus d’une heure par jour]. Le reste de la journée, elles ne servent pas. Même chose pour locaux scolaires, inutilisés le soir et la fin de semaine. »
Le deuxième pilier privilégie l’accès aux biens plutôt que la propriété. On pense à la location ou au partage d’outils et de services. Enfin, le troisième pilier est la restructuration de la réglementation pour permettre l’implantation équitable de l’économie collaborative. « À ce propos, affirme Guillaume Lavoie, les municipalités et les MRC pourraient devenir la clé de voûte permettant la réalisation de ce potentiel. » Il donne l’exemple du zonage qui, quoique nécessaire, pourrait selon lui « être modifié intelligemment, selon une charte collaborative ».

Ces cinq mots résument bien la pensée véhiculée par monsieur Lavoie. Il la développe en précisant : « On ne peut pas vivre sans règlements, mais ces mots signifient qu’il est inutile d’encadrer si on n’est pas prêt à permettre, et qu’il serait irresponsable de permettre si on ne peut pas encadrer. Enfin, la clé est dans les trois mots du centre – afin de mieux –, au nom de l’intérêt général. » Cet intérêt général a pour objectif l’épanouissement des citoyens dans chaque aspect de leur vie individuelle et sociale.
Jusqu’à maintenant, les gouvernements d’ici n’ont pas réussi à encadrer l’économie collaborative. L’absence de lois, ou l’adoption de mauvais règlements ont ouvert la porte à des monopoles comme Uber ou Air B&B sans que les joueurs déjà en place puissent réagir. « Il faut comprendre ce qu’on réglemente avant de réglementer, explique monsieur Lavoie, et les décideurs ne comprenaient pas ce qu’ils avaient devant eux. » D’où l’importance de diffuser l’information le plus largement possible, afin que les décisions soient prises de façon éclairée. Les deux Rendez-vous de l’économie circulaire auront un impact important en ce sens, selon monsieur Lavoie.

Le fait que l’économie circulaire émerge fortement au Kamouraska est significatif pour monsieur Lavoie. « Les petites communautés ont la capacité d’effectuer les changements le plus rapidement et d’en profiter pleinement. » Selon lui, la proximité des décideurs locaux facilite l’identification des besoins et des enjeux, mais aussi l’inventaire de ce qui existe et qui peut être rendu disponible – locaux, équipement, véhicules, etc. La rapidité avec laquelle le projet mis sur pied par la SADC et ses partenaires a été adopté par le milieu (plus de 50 entreprises impliquées) montre que le Kamouraska devient un leader de la pensée circulaire au Québec et pourrait créer un effet d’entraînement intéressant pour les autres régions.