Savoir-être et savoir-faire

Pierre Morency. Photo : Éliane Vincent

Pierre Morency a été un psychoéducateur, militant et entrepreneur. Les valeurs environnementales qui l’ont toujours guidé l’ont finalement mené à s’impliquer dans le projet Défi Polyteck, une entreprise adaptée de Sherbrooke qui fait la preuve que l’économie circulaire peut changer le monde.

L’expertise acquise par Pierre Morency, entre autres avec l’entreprise Nova Envirocom, qu’il a fondée en 1995 et qui a été pionnière dans le dossier du compostage domestique au Québec, lui a valu d’être sollicité par Polyteck pour accompagner la fusion de trois entreprises adaptées en une seule. Cette nouvelle entité offrirait divers services de production et de sous-traitance industrielles, tout en mettant sur pied un système de récupération, de démantèlement et de recyclage de matériaux et d’objets manufacturés.
Le défi était de créer des emplois de qualité pour des personnes avec des limitations fonctionnelles, dans une perspective globale de rentabilité économique, environnementale, technologique et sociale.
En prime, la force de travail que représentent ces personnes tombait à pic pour pallier la pénurie de main-d’œuvre qui sévit en Estrie comme ailleurs. La mission de Polyteck inclut l’amélioration de la qualité de vie des personnes avec des limitations fonctionnelles. On a donc greffé à la nouvelle entreprise un programme individuel de formation professionnelle « Savoir-être et savoir-faire », tenant compte de la situation de l’employé. L’équipe de travail améliore ainsi sa compétence et sa motivation.
Polyteck prête aussi du temps et des services à des entreprises qui peinent à recruter, et fait de la recherche et développement pour améliorer les procédés de valorisation des matières. Ce dernier secteur a d’ailleurs abouti à plusieurs reprises à des innovations qui ont créé de nouvelles filières de récupération. On pourra ainsi détourner de l’enfouissement 200 tonnes de céramique, qui entreront plutôt dans la fabrication de ciment, réduisant ainsi la quantité d’énergie nécessaire.
« En fouillant dans nos poubelles, se réjouit monsieur Morency, on a découvert des opportunités d’affaires incroyables. » Le service de démantèlement arrive à valoriser 98% des matières reçues, un record.

L’expertise développée par Polyteck permet à la société de se réapproprier un secteur manufacturier qu’on avait abandonné aux pays en émergence, avec tous les savoir-faire et les savoirs technologiques qui y étaient reliés. « Nous avons été paresseux, affirme Pierre Morency. C’était plus facile d’envoyer nos déchets ailleurs, mais on n’a pas tenu compte de la valeur de ce dont on se débarrassait. » L’urgence climatique a amené une prise de conscience quant à l’absurdité de faire voyager des déchets. Il restait à réaliser leur immense potentiel économique : il y a 40 fois plus d’or dans une tonne de cartes numériques que dans une tonne de minerai.
Avec le modèle développé par Polyteck, « tous les modes de l’économie circulaire sont mis en place, explique monsieur Morency. Le volet social de l’entreprise montre que les personnes avec des limitations ont une fonction vitale dans la société. Sur le plan environnemental, je peux quantifier notre impact sur les quantités de matières détournées et sur les savoirs. Et en même temps, je peux faire la démonstration économique que c’est rentable. »
Est-il possible de changer le monde?
Un projet comme Défi Polyteck intègre les nouvelles valeurs adoptées par les plus jeunes générations. Des valeurs qui reconnaissent qu’« avoir moins ne veut pas dire être moins », qui privilégient l’épanouissement des personnes plutôt que l’accumulation de biens. Ces nouvelles valeurs, jointes à l’urgence environnementale à nos portes, pourraient accélérer l’implantation de l’économie circulaire et collaborative dans nos sociétés. « Les valeurs changent, conclut monsieur Morency, et l’économie devra s’adapter à ces changements. »