Jean-Denis Guignard : personnalité de l’année 2019

À la une : Jean-Denis Guignard. Photo : Maxime Paradis.

Dans une région où les projets de relance d’organisations ou d’infrastructures se succèdent, sans pour autant aboutir, le Camp Canawish de Rivière-Ouelle a défié tous les pronostics en étant fermé qu’un seul été et en rouvrant comme promis en 2019. Une opération colossale de mobilisation politique et communautaire avec à sa tête un homme, Jean-Denis Guignard, tout aussi noble que la cause qu’il a ardemment défendue.

Il y a déjà deux mois que Le Placoteux a pris contact avec Jean-Denis Guignard pour lui annoncer qu’il était à nos yeux la personnalité de l’année 2019. Il sortait à ce moment d’un blitz d’un peu plus d’une année dans lequel il a mis sa vie professionnelle et personnelle en veilleuse pour travailler, la majeure partie du temps bénévolement, à la relance d’un camp dont plusieurs se demandaient s’il allait réellement rouvrir. « Ça me fait chaud au cœur ce que vous me dites là. Je vais accepter le titre que vous me décernez pour Canawish, parce que je crois que ça sera une autre belle visibilité pour le Camp », a-t-il dit, bien humblement.

Quiconque connaît moindrement Jean-Denis Guignard ne s’avouera pas surpris de lire pareille déclaration. L’homme bientôt sexagénaire a passé sa vie à faire preuve d’altruisme et de dévotion envers les personnes en difficulté et à besoins particuliers, un peu comme l’a été avant lui l’abbé Odilon Hudon, le fondateur du Camp Canawish, décédé subitement en 2018, quelques semaines à peine avant que le conseil d’administration ne se résolve à fermer temporairement « l’œuvre de sa vie ». Un minimum de foi et on a pratiquement le goût de croire que c’est l’abbé Hudon lui-même qui a mis Jean-Denis Guignard sur la route de son Camp.

Et pourtant, même si Jean-Denis a grandi à Rivière-Ouelle, il connaissait peu l’abbé Hudon et n’avait pas d’attachement particulier envers Canawish. Ce qui l’a motivé à prendre les rênes de la relance, c’est la réunion de réflexion tenue en août 2018 suite à la fermeture du Camp.

« Je ne pouvais accepter l’idée que des personnes vulnérables, leurs familles et des employés allaient perdre leur Camp, quelque chose qui leur apportait tellement de bien », a-t-il déclaré.

Jean-Denis Guignard s’est alors engagé pour réaliser la relance, le redressement, la réouverture et le plan d’affaires. Un engagement ambitieux, mais dont les expériences qu’il a acquises sur le plan professionnel par le passé semblent l’avoir prédestiné à relever cet ultime défi, qu’il qualifie lui-même de « plus gros projet de sa vie ». Des expériences qui témoignent de l’homme passionné et dévoué qu’il est, mais qui trahissent également une incroyable détermination qui l’accompagne pratiquement depuis toujours.

Dyslexique

Dyslexique, Jean-Denis Guignard a terminé l’école secondaire de peine et de misère, parce qu’il avait un « verbal » pas si pire, mais principalement parce qu’au-delà de sa difficulté à lire et à écrire, il était curieux et il avait la soif d’apprendre.

« C’était une époque où on n’avait pas les services qu’on a aujourd’hui dans les écoles pour les élèves en difficulté », poursuit-il.

Une chose qu’il va pratiquement s’efforcer toute sa vie à remédier à partir du moment qu’il a trouvé sa vocation au tournant des années 80. Alors qu’il travaillait comme surveillant-éducateur dans un Centre jeunesse de la région de Montréal, Jean-Denis Guignard a eu la piqûre de l’intervention. À 21 ans, il est retourné chez lui entamer un DEC en techniques d’éducation spécialisée au Cégep de La Pocatière, alors que rien ne le prédestinait à faire des études postsecondaires en raison de ses difficultés d’apprentissage.

Il a ensuite enchaîné avec un baccalauréat d’enseignement en adaptation scolaire à l’UQAR, suivi d’une maîtrise en éducation, profil recherche, après avoir développé un fort intérêt pour la neuropsychologie de l’apprentissage lors d’un stage de quatre mois dans ce domaine à Bruxelles, en Belgique. « Une fois que j’ai repris les études, je n’ai jamais arrêté de me former. J’ai toujours abordé ça une session à la fois, à partir du moment que je suis rentré au cégep », raconte-t-il.

Une fois ses études terminées, pratiquement toutes ses expériences professionnelles ont tourné autour de l’enseignement ou de l’accompagnement de jeunes en difficulté, particulièrement à l’école polyvalente de La Pocatière où il a eu le mandat de développer une classe d’intégration pour les élèves ayant une déficience intellectuelle sévère qui passaient du primaire au secondaire. « Quand je suis arrivé, on était encore à coller la tuile sur les planchers et à aménager une toilette. Tout était à faire. Il fallait monter tout le programme de A à Z et être novateur, parce qu’on était précurseur à l’époque en accueillant cette clientèle-là », explique-t-il.

Canawish

Novateur et précurseur, ces deux mots ont été les leitmotivs de Jean-Denis Guignard avant et après sa carrière d’enseignant à l’école polyvalente et dans les nombreux engagements professionnels qui ont jalonné sa carrière. Encore récemment dans la relance du Camp Canawish, où il travaillé à la mise à niveau des infrastructures, à l’ouverture à d’autres clientèles, ou même au développement d’un programme de bourses d’études et d’un passeport « Passion région » pour faciliter l’embauche de moniteurs, on sent qu’il avait constamment ces deux mots à l’esprit.

« Pour l’avenir, on n’a pas le choix de repenser le modèle du Camp. Les problèmes de recrutement de main-d’œuvre seront encore là pour les dix à 15 prochaines années et on ne peut pas être seulement tributaire d’une subvention pour assurer notre fonctionnement », mentionne-t-il.

Une relance, certes, mais qui a finalement pris l’allure d’une transition et qui nécessitait à la fois de trouver le financement nécessaire pour mener ce projet à terme. À ce chapitre, Jean-Denis Guignard témoigne avoir cogné à toutes les portes qu’il pouvait, en ayant parfois l’impression d’être en campagne électorale tellement cette campagne de « vente » et de communication a été intense. « En fermant l’été d’avant, on a perdu l’équivalent de 175 000 $ en subvention au fonctionnement sur deux ans. L’aide financière d’urgence de 50 000 $ que la députée et ministre Marie-Eve Proulx est allée chercher pour nous a vraiment été importante. Il aurait été difficile de rouvrir sans », soutient-il.

Malgré tout ce travail et les sacrifices familiaux, personnels et professionnels que Jean-Denis Guignard a dû faire pour mener à bien la relance du Camp Canawish, il se refuse toujours de s’attribuer le mérite de cette réouverture. « Ce n’est pas le Camp d’une personne, mais d’une communauté. Et ça doit rester ainsi », a-t-il rappelé.

Et cela se comprend, car son désir premier est d’assurer la pérennité de l’œuvre de l’abbé Hudon, à l’approche de la fin de son mandat. Maintenant à l’étape du plan d’affaires, il veille à dicter les orientations de développement futur du Camp Canawish et à insuffler à l’organisation cet esprit entrepreneurial auquel il a toujours carburé. Gageons que pour y parvenir, Jean-Denis Guignard saura encore y mettre tout son cœur. Mais comment pourrait-il en être autrement, lui qui ne sait faire différemment.