Marie-Eve Arbour : femme d’équilibre

Marie-Eve Arbour. Photo : Courtoisie.

À écouter Marie-Eve Arbour, on pourrait pratiquement croire que le combat féministe a fini par avoir gain de cause. Plus que l’égalité des sexes, à 32 ans, la jeune mère de famille et entrepreneure semble avoir atteint ce à quoi plusieurs femmes d’aujourd’hui aspirent, mais obtiennent difficilement : l’équilibre.

Plus d’une fois, Marie-Eve Arbour l’a répété : « Je me considère chanceuse! » Chanceuse d’être mère, chanceuse de mener une carrière exigeante, mais incroyablement stimulante. Chanceuse d’avoir un conjoint compréhensif, aidant et qui la pousse à se dépasser.

« C’est un défi de trouver l’équilibre dans tout ça et je sais que ce n’est pas le cas de toutes les femmes. C’est pourquoi je suis reconnaissante envers toutes celles qui sont passées avant moi, qui ont défriché et qui ont mis la table pour que ça soit possible pour certaines d’entre nous », a-t-elle déclaré.

Parce que non, le plafond de verre n’est pas encore totalement brisé de l’avis de Marie-Eve Arbour, et cela, malgré les avancées et le fait qu’elle n’a jamais réellement senti dans son quotidien professionnel qu’elle n’était pas à sa place parce qu’elle était une femme. Question de génération? Peut-être.

Pourtant, Marie-Eve Arbour est à la tête de Visages régionaux, une jeune pousse ayant pignon sur rue à Saint-Pascal et qui se spécialise principalement dans l’accompagnement des communautés rurales afin de les rendre plus attractives auprès des jeunes. Ses clients : des municipalités et des MRC, entre autres, un milieu politique souvent encore qualifié de « boys club ».

Malgré tout, jamais elle n’a été victime de comportements misogynes ou n’a eu moins l’attention des hommes lorsqu’elle est en contact avec eux dans le cadre de son travail. Elle croit aussi que c’est la même chose pour ses collègues féminines, qui composent majoritairement l’équipe de Visages régionaux. Est-ce donc un signe que les temps changent? Ou peut-être est-ce le fruit de la crédibilité acquise par Marie-Eve Arbour au fil du temps?

Parce que cette crédibilité, nombreux sont ceux qui la reconnaissent, même le gouvernement provincial. L’automne dernier, la présidente fondatrice de Visages régionaux recevait une invitation de la députée et ministre Marie-Eve Proulx à siéger sur le comité-conseil gouvernemental qu’elle préside et qui vise à développer la prochaine stratégie de développement économique local et régional.

Le simple fait d’être à cette table consultative impressionne d’une part parce que Marie-Eve Arbour y côtoie des représentants de la Fédération québécoise des municipalités du Québec, de l’Union des municipalités du Québec, du Fonds de solidarité FTQ et de la Fédération des chambres de commerce du Québec, pour n’en nommer que quelques-uns. D’autre part, parce que cet accomplissement s’est réalisé en à peine quelques années.

« À la base, Visages régionaux c’était notre projet de migration en région de mon conjoint et moi. On avait reçu la bourse Laure Waridel qui nous avait permis de faire le tour des régions du Québec et de bâtir un répertoire d’initiatives innovantes qui étaient le moteur du dynamisme de différentes communautés rurales », rappelle-t-elle.

Mais au sortir de sa deuxième grossesse en 2016, Marie-Eve Arbour a eu l’idée de refaire une ronde de sociofinancement afin de mettre ce répertoire à jour et de tirer des lignes directrices sur les approches ayant le plus de succès pour dynamiser les milieux ruraux. Ainsi est ressuscité Visages régionaux qui se voulait au départ n’être qu’un emploi de travailleuse autonome pour une maman plutôt à la recherche de l’emploi qui lui offrirait la meilleure flexibilité d’horaire afin de bien concilier sa vie professionnelle et familiale. L’entreprise emploie aujourd’hui une dizaine de personnes à temps plein.

« Je me croyais plus destinée au milieu communautaire. Je ne me voyais pas nécessairement comme entrepreneure, même si ma mère vous dirait que ce n’est pas le cas parce que je vendais des colliers dans la cour d’école à 10 ans », confie la bachelière en communications de l’UQAM, en riant.

Un parcours prédestiné donc, ou plutôt le fruit du hasard? Dans les deux cas, Marie-Eve Arbour incarne clairement cette nouvelle génération de femmes qui savent saisir les opportunités, sans trop avoir à se soucier de ces hommes qui pourraient leur barrer la route. Ainsi, si elle n’a pas défoncé le plafond de verre, elle contribue assurément à le fissurer, comme bien d’autres avant elle.