Jean Vézina, un gestionnaire retraité de la Direction régionale de la protection de la santé publique de Montréal et habitant Rivière-Ouelle depuis quelques années, craint que des angles morts subsistent toujours dans le plan de match du CISSS du Bas-Saint-Laurent, ce qui lui fait appréhender une éventuelle deuxième vague de la COVID-19 dans la région. À moins que le CISSS ne se garde de tout dévoiler, certaines réponses demeurent floues, selon lui.
M. Vézina en arrive à ce constat après que Le Placoteux lui ait partagé les réponses reçues aux questions soumises au CISSS du Bas-Saint-Laurent plus tôt cette semaine, en lien avec une éventuelle deuxième vague de la COVID-19. Point par point, l’ancien gestionnaire a relevé les différents aspects sur lesquels le CISSS gagnerait en précision, soulevant aussi au passage d’autres sous-questionnements.
« Ça ne veut pas dire que le CISSS ne pose pas les actions et les gestes pertinents, mais pour moi, ça ne vient pas me rassurer en tant que citoyen », a-t-il déclaré. De plus, le CISSS du Bas-Saint-Laurent éprouve encore plusieurs difficultés au niveau de son offre de services en soins de proximité à la population depuis la réforme Barrette, ajoute-t-il, rappelant au passage que la région est également une des plus âgées au Québec.
Équipes et effectifs
La question des effectifs est un point qui préoccupe particulièrement Jean Vézina. S’il avoue trouver rassurant que le CISSS soit déjà en action par rapport au recrutement de retraités, d’étudiants et même d’enseignants du domaine de la santé, il reconnaît qu’il aurait aimé connaître le niveau d’effectifs prévu par différents types d’établissements (CHSLD, hôpitaux, ressources intermédiaires) en fonction de l’amplitude que pourrait prendre l’épidémie. Précisons toutefois que la question adressée par Le Placoteux au CISSS concernait simplement le nombre de personnes recrutées jusqu’à maintenant et la gestion de cette liste d’effectifs (régionalement ou par MRC).
À savoir si des équipes d’intervention exclusives seraient dédiées entièrement à un site d’éclosion précis, de combien de personnes elles seront composées et de quels professionnels de la santé en feront partie, Jean Vézina mentionne trouver la réponse du CISSS plutôt floue. À cette question, rappelons que la responsable des communications avait simplement répondu que les équipes déjà en place seraient bonifiées au besoin.
« Ça ne nous dit pas si les équipes sont réellement bien structurées, s’il y a suffisamment de personnel pour intervenir en fonction d’un niveau pandémique « x », ou d’un pic anticipé pour la région, et si le renfort sera entièrement dédié à un site d’éclosion, ou s’il ne sera pas amené à se promener d’un endroit à l’autre. La lecture que je fais, à la lumière de cette réponse, c’est qu’on n’a pas encore suffisamment d’effectifs », déclare Jean Vézina.
Cette affirmation, l’ancien gestionnaire de la santé publique la base également sur le fait que le CISSS du Bas-Saint-Laurent n’a pas établi de ratio patient / employé advenant une deuxième vague de la pandémie ou du pic anticipé. « Il n’est pas question de ratio. Nous tenterons d’assurer une présence maximale d’employés au-delà des structures habituelles », nous avait répondu le CISSS à cette question.
Matériel de protection
Au chapitre du matériel de protection individuel et de la gestion des stocks, Jean Vézina trouve encore le CISSS évasif. Celui-ci affirme avoir tout l’équipement nécessaire pour le moment, d’en assurer une gestion serrée et que l’approvisionnement se fait par le ministère de la Santé et des Services sociaux, en fonction des besoins de chaque établissement.
« On sait que la gestion est serrée, c’est partout pareil. Ce qu’on veut savoir, c’est le niveau de stock requis en prévision d’une épidémie au Bas-Saint-Laurent et si le CISSS sera réellement en mesure d’équiper juste à temps et suffisamment les centres d’hébergement et les ressources intermédiaires, entre autres, question d’éviter un vent de panique chez les employés, comme on a pu constater ailleurs », martèle-t-il.
Transport
En matière d’hospitalisation, Jean Vézina se réjouit d’apprendre que le Centre Thérèse-Martin de Rivière-Ouelle pourra accueillir davantage de patients réguliers au cas où l’hôpital de La Pocatière déborderait de sa capacité. Toutefois, il se questionne sur la désignation de Rimouski comme unique centre d’hospitalisation de COVID-19, pour le moment. S’il est prévu que d’autres hôpitaux du Bas-Saint-Laurent puissent accueillir des cas de COVID-19, nous ne savons pas à quel niveau épidémiologique cela sera possible.
Jean Vézina se demande également si tous les patients infectés, même ceux des CHSLD seront transférés à Rimouski. Cet élément amène avec lui toute la question de la capacité de transport du système ambulancier régional. À juste titre, il fait ressortir le temps nécessaire pour se rendre dans la capitale du Bas-Saint-Laurent à partir du Kamouraska, soit 4 heures aller-retour, sans compter le temps pour déposer le patient à l’hôpital, désinfecter l’ambulance, en plus du temps de repos requis pour les paramédics avant qu’ils ne reprennent la route. Et c’est sans parler de tous les autres patients « réguliers » qui maintiendront une forte pression sur le système ambulancier régional.
« N’oublions pas qu’avec l’ouverture de la région, le 18 mai, il faut aussi se préparer à l’affluence d’un nombre de vacanciers et de villégiateurs qui se mélangeront aux gens de chez nous qui eux aussi vont se déconfiner. Ces deux éléments nous permettent de croire que l’ampleur de la deuxième vague n’aura rien à voir avec la première. Une levée partielle des contrôles routiers sur une durée d’un mois aurait peut-être été préférable, à mon avis. »
Dépistage
La capacité de dépistage demeure aussi une autre inconnue, selon lui. En conférence de presse, vendredi après-midi, le directeur de la Santé publique du Québec, le Dr Horacio Arruda, mentionnait vouloir augmenter le nombre de tests de dépistage à 100 000 par semaine en prévision du déconfinement progressif. Ceux-ci doivent être réalisés au prorata du nombre de cas actifs dans les régions. Jean Vézina aimerait bien connaître le taux requis de tests de dépistage à réaliser au Bas-Saint-Laurent pour demeurer en contrôle de la pandémie en fonction du pic estimé pour notre région.
« Il est vrai qu’il faudra apprendre à vivre avec le COVID-19, comme le mentionnait le Dr Sylvain Leduc, directeur régional de la santé publique au Bas-Saint-Laurent. Il serait toutefois plus rassurant pour la population de savoir que les conditions et les éléments essentiels requis sont en place. D’où l’importance de les communiquer et de les expliquer en fonction de notre réalité régionale du Kamouraska », conclut-il.