Loin des champs de bataille européens, la Deuxième Guerre mondiale a laissé peu de traces physiques dans le décor sud-côtois, sinon que quelques monuments ici et là, en l’honneur des soldats tombés au front. Au chapitre des témoignages, il est aussi de plus en plus difficile d’arracher quelques vagues souvenirs de cette époque, ceux l’ayant vécu étant de moins en moins nombreux.
Le Placoteux a tout de même réussi à récolter quelques souvenirs auprès de M. Romuald Leclerc de La Pocatière. Il était encore qu’un enfant lorsque la guerre a débuté en 1939 et il était au milieu de son adolescence lorsque le Jour de la Victoire est arrivé en 1945.
Personne de sa famille n’a eu « à faire la guerre », se souvient-il. Un seul proche a tenté de s’enrôler pour finalement être refusé, a-t-il mentionné.
Le rationnement qui était en place à l’époque a été un des premiers éléments qu’il a soulevés. Sinon, il se rappelle des lumières qui devaient être fermées dans les maisons, le soir. « Pour une question d’économie d’énergie », avons-nous demandé? « Non. C’était pour ne pas que les avions ennemis larguent leurs bombes sur nous », a-t-il rétorqué.
Police militaire
Historienne et ethnologue aux Archives de la Côte-du-Sud et du Collège de Sainte-Anne, Pierrette Maurais fait également référence au rationnement qui avait été mis en place. Cette réalité a permis à un certain marché noir d’être particulièrement fleurissant dans la région. « Certaines personnes ont fait leur argent de cette façon », poursuit-elle.
Pierrette Maurais rappelle aussi que la police militaire était très active afin de débusquer ceux qui voulaient éviter à tout prix le service militaire. Un réseau d’informateurs souterrains sur la venue éventuelle de la police et des cachettes existait afin d’éviter à ceux-ci d’être débusqués. Une arrestation d’un déserteur s’étant soldée par des « manifestations d’un caractère assez dramatique » à Saint-Philippe-de-Néri n’a d’ailleurs pas manqué d’attirer l’attention de la presse de l’époque, comme en témoigne un article de L’Action Catholique du 26 mars 1945.
Collège
Au Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, le journal quotidien de Mgr Wilfrid Lebon, dont des passages sont résumés dans le livre Histoire du Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière (1927-2000) de Régis Michaud, permet de constater que les autorités collégiales de l’époque étaient inquiètes à l’idée de la conscription et de l’enrôlement obligatoire dans l’armée des jeunes de plus de 18 ans. Les professeurs craignaient alors les mauvais effets de la vie de camp sur les vocations religieuses ou sacerdotales.
En 1941, lorsque débute l’entraînement des élèves officiers de l’Armée du Canada, Mgr Lebon craint pour les mœurs des élèves du Collège et souhaite que ceux-ci soient dirigés vers Montmagny plutôt que Valcartier, dont la base était alors considérée comme un endroit « mal famé ». Régis Michaud écrit que les recrues s’y sont tout de même rendues, après que l’expérience ait démontré que le camp de Valcartier était finalement « sécuritaire ».
« Les élèves du Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière ont aussi offert une parade de la victoire, le 13 mai 1945, cinq jours après la fin de la guerre en Europe. En temps de guerre, il y a plusieurs parades de ce type dont l’objectif était d’inciter les gens à acheter des bons de la victoire, une forme de prêt avec intérêt que la population faisait au gouvernement pour qu’il finance l’effort de guerre », rappelle Pierrette Maurais.
Grande parade
D’autres soldats de la région ont eu la chance, de leur côté, de participer à la grande parade de la victoire du 9 juin 1945 à Londres, au Royaume-Uni. C’est le cas, entre autres, du sergent J.-A.-R. Bérubé et de l’aviateur-chef Gaston Maurais, tous les deux natifs de Sainte-Anne-de-la-Pocatière.
Dans son numéro de février 1995 consacré à la Deuxième Guerre mondiale, la revue historique Le Javelier, de la Société historique de la Côte-du-Sud, rapportait un témoignage de Gaston Maurais qui s’était enrôlé dans le corps d’aviation Royal Canadien en 1941. De sa participation à la grande parade de la victoire de Londres, il écrivait : « Tous les pays victorieux y participaient. Ceci fut sans doute le plus grand moment de ma carrière dans le service militaire. »