75e du Jour de la Victoire : L’incroyable destin de Wilfrid Frève de Tourville

Wilfrid Frève. Photo : Courtoisie Michel Frève.

Wilfrid Frève n’est plus de ce monde depuis bien longtemps pour témoigner de ce qu’il a vécu durant la Deuxième Guerre mondiale. Heureusement, grâce à un voyage libérateur réalisé avec lui au début des années 70, son fils Michel Frève est aujourd’hui en mesure de raconter son histoire, un destin digne des plus grands films hollywoodiens.

Originaire de Tourville dans L’Islet, Wilfrid Frève s’est enrôlé dans l’armée canadienne en septembre 1942. Rattaché au départ au régiment de Montmagny, il est ensuite allé parfaire son entraînement à la base militaire de Valcartier. Il est arrivé en Angleterre le 7 octobre 1942.

« Une de ses premières responsabilités a été de vider les tentes des soldats canadiens morts lors du raid sur Dieppe, en août 42. Il devait départager les effets personnels des objets appartenant à l’armée », raconte son fils, Michel Frève.

Mitrailleur, Wilfrid Frève était rattaché au régiment des Fusiliers Mont-Royal. Il a occupé successivement les grades de lance-caporal et de caporal. Il a participé à la libération de la France à partir de juillet 1944, un mois après le débarquement de Normandie.

Après la libération de Caen, sa compagnie – environ une centaine d’hommes – s’est retrouvée sous le feu de l’ennemi dans l’attaque d’une ferme, soit Troteval situé au sud du petit village d’Ifs. La bataille a duré 36 h sans avoir mangé et les Allemands ont attaqué à cinq reprises. Lors de la dernière attaque, le commandant de la Compagnie a demandé un tir d’artillerie sur leurs positions, précise Michel Frève.

« Mon père a tiré toutes ses munitions. À la fin, il ne restait que cinq personnes debout, pas blessées rien. Mon père était de ceux-là », poursuit-il.

C’est aussi à ce moment que Wilfrid Frève a été fait prisonnier par les Allemands et qu’il a été transporté d’un endroit à l’autre, d’un camp de travail à l’autre, durant neuf mois, jusqu’à la frontière de la Pologne et de la Tchécoslovaquie. Lorsque les autres prisonniers et lui se sont mis à bouger de nouveau, c’est parce que les Allemands appréhendaient l’avancée des Russes en Europe de l’Est.

De janvier à avril, jusqu’à qu’il soit libéré par les Américains, Wilfrid Frève a participé bien malgré lui à ce qu’on appelle aujourd’hui « Les marches de la mort ». Les prisonniers, sous le joug des officiers allemands, marchaient alors d’une ferme à l’autre, sans rien à se mettre sous la dent, avec sur eux des vêtements inadéquats pour cette période de l’année où le mercure oscillait entre -15° et -20°C. Lorsqu’un prisonnier était rendu au bout du rouleau et qu’il ralentissait les autres, les soldats allemands l’abattaient, tout simplement.

Voyage libérateur

Jusqu’à l’âge de 24 ans, Michel Frève avoue qu’il savait bien peu de choses sur l’expérience de son père lors de la Deuxième Guerre mondiale. En 1973, près de 30 ans après les événements, Wilfrid Frève a exprimé le souhait de retourner sur les lieux où il a été fait prisonnier. « Nous sommes partis, mon père, ma mère, une cousine et moi. »

Michel avoue encore se souvenir du moment où son père a mis sa main sur son épaule dans la voiture, lorsqu’il a aperçu le mur de la ferme Troteval, où il avait pris position pour la bataille.

« Il est sorti de la voiture et je pense qu’il a passé une bonne heure et demie à longer le mur, à se rappeler la bataille et tout ce qui s’en est suivi. Il a même revu le fermier de l’époque. Ils ont échangé un bon moment, la main sur le cœur. C’était comme une forme de pèlerinage, si je peux dire. C’est quand on est rentré l’hôtel qu’il s’est ouvert et qu’il a commencé à me parler de ce qu’il a vécu. Parfois, avec hésitation, souvent, avec la larme à l’œil », poursuit Michel.

Wilfrid Frève est décédé en 1985. Avant ce voyage en Normandie, son fils Michel avoue qu’il n’a jamais eu la chance d’entendre autant de confidences de la part de son père. Depuis ce jour, il l’avoue sans hésiter : « Mon père, c’est devenu mon héros! »