L’intérêt de Mgr Bertrand Blanchet pour la tourbière de Rivière-Ouelle ne date pas d’hier. Biologiste de formation et docteur en sciences forestières, l’archevêque émérite de Rimouski a été enseignant de biologie et de sciences naturelles au Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière et ensuite au Cégep de La Pocatière, entre 1964 et 1973. Il a, à l’époque, accompagné ses étudiants aux Tourbières Lambert de Rivière-Ouelle pour réaliser des études paléoécologiques du sol.
Ces études, réalisées dans le cadre de « travaux longs », avaient pour but de dégager le pollen emprisonné dans la tourbe à divers niveaux. Dans certains cas, des échantillons allant jusqu’à 15 pieds de profondeur ont été récoltés et étudiés. Ils ont permis de mieux comprendre les variations climatiques qui ont affecté la tourbière de Rivière-Ouelle, ainsi que les différentes espèces d’arbres qui l’ont habitée au fil des époques à partir de l’analyse des grains de pollen emprisonnés dans les différentes couches de tourbe étudiées.
« Si on avait pu dater le pollen au carbone 14, on aurait su plus précisément de quelle époque il relevait », ajoute celui qui garde un très bon souvenir de ces travaux de recherche réalisés avec ses étudiants il y a déjà plus de 50 ans.
Entre 6000 et 10 000 ans
À défaut d’une datation précise de chacune des étapes de sa formation, Mgr Blanchet souligne que les tourbières bas-laurentiennes, dont celle de Rivière-Ouelle, auraient pour la plupart entre 6000 et 10 000 ans. Leur profondeur peut aller jusqu’à 30 pieds dans certains cas.
Elles se sont créées à la suite de la dernière ère glaciaire, alors que la croûte terrestre se relevait progressivement. Des lacs au fond glaiseux se sont retrouvés emprisonnés dans des dépressions naturelles, sans approvisionnement en eau possible. La mousse de sphaigne s’y est accumulée graduellement au point d’en venir à combler entièrement le lac, jusqu’à ce que survienne son assèchement total.
Non renouvelable
Riches en matières organiques, les tourbières sont aujourd’hui exploitées principalement dans le but d’y tirer l’humus végétal qui s’y trouve, idéal, entre autres, pour la croissance des plantes en pot. Au sud de Montréal, des tourbières au sol plus décomposé servent à la culture maraîchère, mentionne Mgr Blanchet. Les oignons, les asperges et les carottes y trouvent un environnement propice à leur croissance.
« Le problème de la tourbière, c’est qu’elle ne se régénère pas. Au fur et à mesure qu’elle est exploitée, elle baisse peu à peu », ajoute-t-il, mentionnant au passage avoir déjà vu des images de tourbières se trouvant 11 pieds sous leur niveau d’origine.
« Il y a déjà eu des tentatives de régénération et de récupération dans le coin de Rimouski où l’on a essayé de recréer le contexte initial de formation d’une tourbière, mais les résultats n’ont pas été concluants. Ce qu’on a constaté, c’est qu’il se formait un dépôt d’un peu moins d’un millimètre par année. C’est trop peu. On peut donc considérer une tourbière comme étant une ressource non renouvelable. »
La tourbe qui a brûlé aux Tourbières Lambert de Rivière-Ouelle est donc perdue à jamais. La profondeur à laquelle le feu aura couru dictera où il sera possible de reprendre l’exploitation. Mais comme le souligne Mgr Blanchet, il faudra toutefois retirer les cendres se trouvant dans la tourbe non impactée afin de ne pas diminuer sa qualité, une opération qui aura malheureusement un impact sur les coûts de production de l’entreprise, concluait-il.