L’enseignant d’histoire et de politique au Cégep de La Pocatière est catégorique : le Trumpisme va survivre au départ de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Reste simplement à savoir où le mouvement s’exprimera à l’avenir.
L’insurrection survenue au Capitole le 6 janvier avait de quoi frapper l’imaginaire. Équivalent du Parlement à Québec ou Ottawa, le Capitole est le lieu où s’exerce la démocratie aux États-Unis. « On est entré dans cette institution-là sans aucun respect », s’indigne Éric Ouellet.
L’image du drapeau confédéré porté par un des manifestants dans les couloirs de l’institution a de quoi choquer, ajoute-t-il. Sa symbolique est très forte et controversée pour les Américains. La perception qu’ils en ont diffère grandement s’ils habitent le nord ou le sud du pays.
« Pour le Nord, c’est le drapeau des états confédérés esclavagistes du sud lors de la guerre de Sécession. Pour le Sud, certains y voient plutôt une valeur historique », rappelle-t-il.
Plus d’une semaine après les événements, l’enseignement peine encore à dire si cette insurrection au Capitole représente le début ou la fin de quelque chose aux États-Unis. Il est toutefois convaincu d’une chose, cet événement ne signe pas la fin du mouvement Trumpiste aux États-Unis.
« Le Trumpisme va survivre, mais pas nécessairement au sein du Parti républicain. À la base, le Parti républicain est un parti d’establishment qui respecte les institutions démocratiques du pays. Ça sera difficile pour lui de continuer à garder cette frange radicale du parti après les événements du 6 janvier. »
Une troisième voie pourrait donc faire surface aux États-Unis, pays qui brille pourtant par son bipartisme. Mais dans tous les cas, Éric Ouellet estime que le Parti républicain sera perdant.
« Trump a fait la démonstration que le Trumpisme rallie une partie de l’électorat américain, mais à quel prix ? Les républicains voudront-ils conserver ces votants coûte que coûte, au risque d’être menés par un chef aussi imprévisible que lui ? Ou préféreront-ils retrouver le chemin de la modération en rassemblant davantage, mais au risque de ne pas convaincre pour autant les militants démocrates les plus à droite de joindre ses rangs ? », questionne-t-il.
Rassembler
Où Éric Ouellet n’hésite pas, c’est sur le comment Joe Biden devra exercer son leadership à la suite de son investiture le 20 janvier. Le président devra rassembler un pays divisé, les Américains se définissant trop comme républicain ou démocrate depuis trop longtemps.
« 81 millions de voix sont allées à Joe Biden. 74 millions à Donald Trump. Ces votes sont tout aussi légitimes que ceux adressés au président élu. Il n’y a pas eu de raz-de-marée en faveur de Joe Biden. Sa tâche la plus importante sera de réconcilier un pays déchiré. »
Abandonner les poursuites contre Donald Trump — si le processus de destitution se confirme — serait un pas dans la bonne direction, selon lui. Autrement, le président déchu risque d’être élevé au rang de « martyr » aux yeux de son électorat extrémiste qui a déjà fait la preuve du non-respect de l’establishment et des institutions démocratiques du pays par l’insurrection au Capitole le 6 janvier.
« Il y a un danger de continuer à s’occuper de Donald Trump au-delà du 20 janvier. Un procès en destitution qui traîne et qui a peu de sens une fois que son mandat sera terminé risque de mettre plus d’huile sur le feu qu’autre chose, voire même nuire aux politiques et au gouvernement du nouveau président élu. Il serait préférable de laisser Donald Trump dans l’ombre le plus possible, même si je ne suis pas convaincu qu’il se taise au cours des quatre prochaines années », conclut-il.