Les aléas climatiques vécus cet été donnent du fil à retordre aux producteurs maraîchers du Québec. Loin de pavoiser dans les circonstances, deux entreprises maraîchères du Kamouraska devraient réussir à passer à travers cette mauvaise saison sans aide particulière, grâce à la diversification de leurs activités. Et s’il s’agissait là de la clé de la résilience?
Une aide d’urgence. L’Union des producteurs agricoles (UPA), l’Association des producteurs maraîchers du Québec (APMQ), l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec (APFFQ), les Producteurs de pommes de terre du Québec (PPTQ) et les Producteurs de légumes de transformation du Québec (PLTQ) en ont fait la demande la semaine dernière au gouvernement provincial, à la suite des événements climatiques extrêmes vécus depuis le début de l’été au Québec.
À la ferme Cybèle de La Pocatière, Sophie Demougeot et son conjoint Alain Anctil sont producteurs de fraises et de framboises depuis 2000. Des étés, ils en ont connu de toutes les sauces, pour le meilleur et pour le pire. « Habituellement, on fait trois semaines de fraises. Cette année, on a tout arrêté à la fin de la deuxième. C’était tellement mouillé que la moisissure grise s’est attaquée aux plus grosses fraises des plants. Ensuite, ça s’est répandu à toutes les autres », explique-t-elle.
Ce scénario est essentiellement ce qui s’est vécu partout au Québec, ajoute-t-elle. La situation est déplorable, elle le reconnaît, mais son entreprise devrait passer à travers. « En maraîcher, il ne faut pas faire des bilans annuels, mais plutôt sur cinq ans, car autrement ça serait trop décourageant. Nos derniers étés ont été excellents pour les fraises, et les framboises, cette année, c’est très bon, on va faire pratiquement quatre semaines », poursuit Sophie Demougeot.
L’autre variable qui rassure Sophie Demougeot est la diversification de son entreprise effectuée au fil des ans. Ayant débuté comme comptoir de fraises et de framboises, elle vend désormais des légumes, les siens et ceux d’autres maraîchers de la région, à son kiosque qui a été transformé en bar laitier il y a de ça une bonne quinzaine d’années. Elle offre aussi ses produits transformés, en plus d’être présente tous les samedis au Marché public de la Grande-Anse.
De plus, l’emploi de travailleurs étrangers depuis l’an dernier lui permet désormais de prolonger l’ouverture de son bar laitier à l’automne, puisque leur présence la libère des travaux à faire aux champs. « La diversification, c’est la clé, c’est sûr. Mais il faut faire attention à ne pas trop s’éparpiller non plus », dit-elle sagement.
Les Jardins du Haut-Pays
Plus au sud, dans le contrefort des Appalaches, Simon Pilotto et Fannie Lacasse-Pelletier en sont à leur quatrième saison de culture pour les Jardins du Haut-Pays à Saint-Onésime-d’Ixworth. La petite entreprise maraîchère, qui a débuté modestement en pleine pandémie à l’été 2020, est toujours opérationnelle aujourd’hui alors que tant d’autres ont fermé les livres depuis.
Offrant une tournée de ses champs et de ses serres lors d’un rare matin ensoleillé, le maraîcher n’hésite pas à montrer les maladies fongiques qui s’attaquent cette année particulièrement aux plants de tomates, de concombres ou de courges. En agriculture biologique, il est très difficile de freiner leur propagation une fois qu’elles font leur apparition. « Ce n’est pas tant la quantité d’eau le problème, mais l’humidité ambiante et le manque de luminosité. Les plants se retrouvent à faire beaucoup de feuillage et ça accentue le problème. Les fruits, eux, n’arrivent pas à percer », résume-t-il.
Tout comme Sophie Demougeot, Simon Pilotto est d’avis que la diversification est la clé. Ainsi, il n’estime pas que l’avenir de son entreprise soit compromis par la mauvaise météo de cette année. Situé loin des routes touristiques, il se rend une fois par semaine avec son kiosque mobile vendre ses légumes à ses abonnés dans le stationnement du Métro Plus Lebel à La Pocatière. Le lendemain, le tout se déroule directement à sa ferme. Restaurateurs, supermarchés et kiosques de fruits et légumes sont aussi de sa clientèle. « Avec nos abonnés, je calcule qu’on fait l’équivalent de 200 paniers par semaine », ajoute le maraîcher, qui en faisait moins de la moitié à ses débuts.
Cette progression marquée fait que les Jardins du Haut-Pays cultivent aujourd’hui quatre hectares de terre dans le 6e Rang. Plus qu’une diversification de ses marchés, c’est aussi une diversification de ses méthodes de travail que Simon Pilotto a opérée cette année : davantage de rotation de cultures, d’engrais verts, et plus d’espace dans les champs sont autant de techniques qui lui rendent aujourd’hui un service fou, dit-il, en restreignant dans certains cas la propagation des maladies.
À cela s’ajoute aussi une transition mécanisée, qu’il n’hésite pas à qualifier « de voie d’avenir » pour les petits producteurs maraîchers biologiques comme lui. « Désherber à la mitaine et à la grelinette, une année comme celle qu’on vit! Aujourd’hui, personne ne va me rentrer ça dans la tête que c’est mieux qu’un tracteur. La diversification, c’est sur tous les plans qu’il faut la faire, et c’est valide autant pour les petits que pour les gros producteurs », conclut-il.