Aménagement : un mot à retenir

Photo : Ville de La Pocatière.

Quand on dit qu’une maison, un terrain, un village ou une ville sont bien aménagés, on veut dire que l’espace y est bien organisé, que les choses importantes sont mises en valeur, que les possibilités du lieu sont bien utilisées, que c’est à la fois pratique, bien pensé et plaisant d’y vivre.

On a tous à l’esprit comment, dans les années 1950-60, l’irruption de l’automobile, de la télévision (et de la pilule contraceptive !) dans nos vies nous a amenés à réaménager nos grandes maisons à aire ouverte d’autrefois : la maison-bungalow les a remplacés, avec son salon télé, sa cuisine et ses chambres isolées, son garage et son terrain gazonné.

On parle de plus en plus d’aménagement, car, de toute évidence, notre espace de vie a besoin d’un grand réaménagement. Le monde moderne a tout misé sur les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), l’auto, les autoroutes, l’électricité, les grandes villes, les banlieues résidentielles, les centres commerciaux, le libre-échange, les biens de consommation jetables, le transport des personnes et des biens d’un bout à l’autre de la planète. Mais on doit constater que cette façon de fonctionner est en train de dérégler le climat, d’empoisonner les terres et les mers, de perturber l’équilibre naturel des forêts, de l’eau, des espèces et des virus, d’épuiser rapidement les ressources non renouvelables, ou renouvelables, mais limitées. Et les dégâts s’accélèrent à mesure que la population mondiale augmente : nous étions 3 milliards en 1960, nous sommes présentement 8 milliards et on prévoit un plafonnement à 10 milliards en 2050.

Il faut réaménager notre société, la décentraliser, la désurbaniser, revenir à des villes moyennes, des quartiers-villages, des communautés locales, régionales et nationales plus autonomes, autosuffisantes et écologiques, avec des transports légers et des logements communautaires, de façon à faciliter aux citoyens la prise en charge de leur environnement, de leurs paysages, de leurs déchets, de leur alimentation, de leurs entreprises et de leurs ressources, et aussi, à assurer à tous un contact vivant avec la nature. Le mouvement est d’ailleurs déjà commencé : ces années-ci, les régions rurales comme la nôtre sont envahies par des urbains désireux de refaire leur vie en région, et déjà, les logements et les terres disponibles se font rares. Heureusement, les conseils municipaux récemment élus sont davantage sensibles aux enjeux d’aménagement.

Réaménager le territoire du Québec, ses villes et ses régions : c’est un projet immense, mais très inspirant. Ce n’est pas un retour en arrière, mais un projet inédit et nécessaire dont nous parlent peu les politiciens. Notre gouvernement prépare bien, en ce moment, une nouvelle Stratégie d’urbanisme et d’aménagement du territoire, car il voit bien que toutes nos instances municipales et gouvernementales sont dépassées par l’étalement urbain, la crise du logement, la congestion des transports, la détérioration du climat et de l’environnement, l’agriculture intensive, etc. Mais les documents qui ont servi à la consultation sur cette nouvelle stratégie d’aménagement n’envisagent guère une véritable décentralisation des pouvoirs et des populations. Les pouvoirs des MRC en aménagement ne sont pas suffisants. Cette décentralisation exigera de véritables gouvernements locaux et régionaux dotés de pouvoirs et de ressources autonomes, notamment un partage des redevances sur les ressources naturelles situées sur leur territoire… et un État qui coordonne au lieu de tout contrôler.

Plutôt qu’une simple stratégie concoctée par les fonctionnaires et discutée par les gestionnaires municipaux, ne serait-ce pas le moment de convoquer de véritables États généraux pour la démocratie territoriale, dans lesquels tous les citoyens et leurs organisations pourraient aussi faire valoir leur vision des choses. C’est important d’être à l’aise et de se sentir chez soi dans la maison et le territoire qu’on habite.