Des leçons de la COVID-19 peuvent déjà être tirées de l’avis d’Éric Ouellet, enseignant en histoire et politique au Cégep de La Pocatière. Il n’en demeure pas moins que c’est l’après-pandémie qui permettra réellement de tirer des constats plus précis.
Nul besoin d’être Nostradamus pour savoir que le financement des CHSLD sera revu dans les prochaines années, selon Éric Ouellet. Le salaire et les conditions de travail des préposés aux bénéficiaires seront visiblement ajustés, à en croire le mea culpa fait il y a quelques semaines par le premier ministre François Legault, à ce sujet.
Quant au sous-financement des établissements, celui-ci risque également d’être réévalué selon l’enseignant. L’ancienne première ministre Pauline Marois a d’ailleurs pris une part de responsabilité à ce sujet, récemment, ajoutant qu’elle devait être partagée avec tous les gouvernements qui se sont succédé à Québec ces dernières années.
« C’était pourtant un fait connu de la population que ce n’était pas rose dans certains CHSLD ou certaines résidences pour aînés. Là, c’est une évidence et le gouvernement aura probablement plus la légitimé d’agir financièrement aux yeux du grand public », poursuit Éric Ouellet.
Mais il est aussi possible que la COVID-19 amène les gens à vouloir s’occuper davantage de leurs parents ou leurs grands-parents en perte d’autonomie dans le futur, fait qui n’était pas rare à une certaine époque. Le rythme de vie effréné auquel la population était soumise depuis plusieurs décennies rendait la chose peut-être plus difficile.
« Avec le télétravail qui s’est instauré rapidement pour plusieurs corps de métier et qui risque fortement de se poursuivre après la crise, on peut penser que les gens vont réaliser que ça sera possible pour eux de concilier les deux », indique l’enseignant.
Par contre, Éric Ouellet met en garde les gens face aux comparatifs boiteux qui pourraient être faits entre les pays, dans l’après-COVID. À ce chapitre, il rappelle, par exemple, que tous les pays ne comptabilisent pas le nombre de cas positifs au virus de la même façon, même pour le dénombrement de leurs morts. Il faudra donc attendre la fin réelle de la pandémie avant de tirer des constats plus précis de ce côté.
« En France, par exemple, on comptabilise seulement les décès survenus dans les hôpitaux. Pas les autres. Au Québec, peu importe où le décès survient, on le prend en considération dans les chiffres. À première vue, notre approche semble avoir été beaucoup plus transparente qu’ailleurs », rappelle-t-il.
État-providence
Éric Ouellet estime également que la crise de la COVID-19 ramènera l’État-providence à l’avant-plan dans les prochaines années. L’interventionnisme effectué par les gouvernements durant la pandémie devrait rester pour un moment et être mieux perçu par la population qui demeurera impactée encore financièrement par cette crise pour quelques années.
« Le Canada bénéficiait déjà d’un bon filet social avant la COVID-19. Il sera intéressant d’évaluer, après la crise, comment les pays qui étaient déjà réputés plus interventionnistes dans leur économie se compareront à ceux qui, comme les États-Unis, disposaient de peu de programmes sociaux », soulève-t-il.
Mais il n’est pas exclu que cet interventionnisme, souvent qualifié d’État-providence, ne perdure pas très longtemps dans le temps. En opposition, le néo-libéralisme, cette approche adoptée par la majorité des pays occidentaux au cours des 40 dernières années et qui a facilité, en quelque sorte, la mondialisation, pourrait très bien ressurgir dans le futur, plus le souvenir de la COVID-19 s’estompera.
« Tout est une question de balancier en politique et il faut toujours garder en tête que rien n’est jamais permanent », conclut Éric Ouellet.