Bethléem sous occupation

Photo : Jametlene Reskp (Unsplash.com)

La légende chrétienne nous a longtemps fait croire que c’est à Bethléem, village natal du roi-berger David, à dix kilomètres de Jérusalem, qu’est né, dans la pauvreté la plus totale, sous l’occupation romaine, Jésus, le Sauveur qui devait libérer Israël et l’humanité entière de ses oppresseurs, et établir la paix à jamais : « Paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté ».

Mais comme il arrive souvent, les promesses des chefs religieux se sont avérées être des illusions et des superstitions. La légende raconte que l’Enfant Jésus a été vite traqué par Hérode, qui a fait massacrer tous les enfants de Bethléem — comme on le fait aujourd’hui à Gaza. On sait que par la suite, le Sauveur annoncé s’est retrouvé crucifié entre deux voleurs, à la demande même des rabbins au gouverneur romain Pilate.

Ses obscurs fidèles firent croire qu’il était toujours vivant, et les esclaves de l’Empire y crurent, si bien que l’empereur Constantin, et après lui l’empereur Justinien, firent construire à Bethléem une grande basilique de la Nativité que s’arrachent aujourd’hui diverses religions, car la « Terre sainte » ou « Terre promise », après avoir été longtemps le théâtre de conflits entre tribus et grands empires assyriens et perses, est devenue au cours des siècles un enchevêtrement de religions, de lieux saints et de conquérants, où, de guerres en croisades, se bousculent les fidèles de Moïse, de Jésus et de Mahomet… et les héritiers des colonisateurs européens. Dans la ville sainte de Jérusalem même, les juifs pleurent leur temple détruit sur le mur des Lamentations, les catholiques célèbrent la résurrection du Crucifié à la Basilique du Saint-Sépulcre, et les musulmans la montée au ciel de Mahomet à la mosquée al-Aqsa.

La dernière guerre, celle qui se déroule encore aujourd’hui à Gaza, a débuté par la création de l’État d’Israël par les Nations Unies en 1948. Pour faire une place aux milliers de Juifs errants après la guerre d’Hitler, on força des milliers de Palestiniens à quitter leurs terres. Avec ces réfugiés, Bethléem, où habitaient environ 10 000 Palestiniens majoritairement catholiques, a vu grimper sa population à plus de 40 000 habitants, majoritairement musulmans. Et comme Israël considère que son avenir sera toujours menacé s’il n’arrive pas à occuper la totalité de la Palestine, il y installe, au mépris des résolutions unanimes des Nations Unies, des milliers de colons juifs armés sur les terres des Palestiniens. Bethléem est ainsi devenu un terrain de bataille perpétuel, vu sa proximité avec Jérusalem et la fertilité proverbiale de ses terres (Bethléem signifiant en hébreu le « pays du pain »). Il ne nous reste finalement que la crèche, inventée par François d’Assise, qui participa lui-même à la cinquième croisade en vue de libérer Jérusalem, tombée aux mains du sultan égyptien au XIIIe siècle.

Que conclure de tout cela, si ce n’est que les religions inventent des histoires, et exploitent l’ignorance des gens pour exercer un contrôle sur eux et arriver à leurs fins. Les chefs religieux, les papes, les patriarches, les prêtres, les rabbins, les imams, les pasteurs, les moines jouent encore aujourd’hui le même jeu que les politiciens et les patrons : celui du pouvoir et de l’argent.

La vraie religion, la vraie foi, c’est le respect de la nature, de la raison, de la vie, de la solidarité humaine. C’est un enfant qui naît, au milieu de l’hiver, encore auréolé du mystère d’où il vient.