L’auto individuelle est devenue le condensé de la technologie moderne, le lien de la vie sociale, et le symbole du confort et de la liberté de l’homme et de la femme d’aujourd’hui.
Le pouvoir de l’auto
Bien sûr, c’est, en soi, un moyen pour se déplacer au travail, au supermarché, au centre d’achat, de la banlieue à la ville, vers les sites de loisir, pour rencontrer la famille et les amis. Mais c’est beaucoup plus. C’est un statut social. Chaque auto a sa personnalité, sa famille, son nom, son prix. Nous entretenons une relation particulière avec elle; parfois même, chez les hommes, une relation quasi érotique. Elle dort près de nous, dans un garage spacieux. Elle a ses routes et ses autoroutes asphaltées, ses lieux de toilette (lave-auto), ses hôpitaux (garages), ses postes d’alimentation (pompes). On lui consacre un budget qui dépasse souvent celui de notre logement et de notre alimentation, sans compter les investissements publics qu’elle requiert.
Il y a plus de cinq millions de véhicules automobiles à essence au Québec, incluant un nombre croissant de pick-up et de VUS. Et le transport par camion a largement remplacé les transports par train ou par bateau.
Le problème
Le problème, c’est que les autos individuelles nous coûtent très cher, individuellement et collectivement, et surtout qu’elles fonctionnent à l’énergie fossile, laquelle a le double inconvénient de s’épuiser et d’émettre des gaz qui provoquent un réchauffement inquiétant de la planète. Au Québec, les transports — essentiellement les véhicules — sont responsables de près de la moitié de nos émissions de gaz à effet de serre (neuf tonnes par habitant, l’objectif étant de deux tonnes). Le problème, c’est aussi qu’on ne peut pas, et qu’on ne veut pas se passer de l’auto individuelle dans les conditions actuelles.
La solution
Nos dirigeants croient avoir trouvé la solution : l’auto électrique! Pas les transports collectifs, au moins dans les grands centres; ni la promotion de communautés, de quartiers, et de banlieues multifonctionnelles, autonomes et autosuffisantes; ni un début de remise en question de l’absurde circulation des biens engendrée par le libre-échange illimité. Non, le choix mur à mur, c’est l’électrification massive de l’industrie automobile, de façon à ne rien changer dans notre mode de vie.
C’est le sens de la nouvelle politique de l’énergie que vient de nous annoncer le ministre Fitzgibbon. Et pour y arriver, il va falloir doubler la capacité de production d’électricité d’Hydro-Québec, plus l’appui du privé, et rien ne dit que ça suffira. Des plans pour assurer et financer ces développements sont annoncés, mais, étonnamment, le projet de loi ne prévoit pas de discussion sur la façon dont nous voulons utiliser cette électricité, notamment sur la fameuse filière-batterie. Il va de soi, semble-t-il, que c’est pour électrifier l’automobile individuelle et le transport par camion. L’avion n’est pas non plus remis en question, ni les croisières de luxe. Quant au dossier du transport collectif dans les grandes villes, on l’a vu ces derniers temps, il est lâchement refilé aux municipalités et aux villes déjà affamées.
Soyons réalistes : on ne réglera pas le problème du réchauffement de la planète avec l’auto électrique; on risque plutôt de l’aggraver. Ce qu’on veut avant tout régler en ce moment, c’est la survie et un nouvel essor de l’industrie automobile, et de tout ce qui en dépend. C’est l’auto individuelle.
Et c’est aussi sans doute ce que la majorité d’entre nous espèrent. Mais la tempête gronde.