Damien Charest ne veut surtout pas donner l’impression que sa situation est pire que d’autres. Le propriétaire du Restaurant Opéra, situé en zone orange à La Pocatière, est conscient que sa situation peut faire l’envie de plusieurs autres restaurateurs. Et pourtant, même si sa salle à manger est toujours ouverte à la clientèle, l’impression d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de sa tête ne le quitte pas depuis plusieurs mois.
Il faut avoir les nerfs solides pour être entrepreneur. Damien Charest le sait bien. Depuis six ans qu’il est propriétaire du Restaurant Opéra à La Pocatière. Six années couronnées de succès, mais également remplies de défis.
L’avant COVID-19 était l’époque de la pénurie de main-d’œuvre. Il avait fait des pieds et des mains pour recruter deux cuisiniers en République dominicaine, après de multiples tentatives à pourvoir ces postes localement.
La pandémie est venue changer la donne. De 42 employés, il est passé à 24 en quelques semaines à peine. Il a même dû se résigner à laisser partir du personnel à l’emploi du restaurant depuis une trentaine d’années. Incapable de garantir un temps plein à un de ses précieux cuisiniers, il a lui-même suggéré à une restauratrice de Saint-Pascal de l’embaucher pour qu’il puisse travailler à temps complet.
« C’est plus tranquille. Je suis maintenant fermé les lundis et les mardis et j’ai retiré 60 places en salle question d’être en règle avec les normes de la santé publique », dit-il.
Même s’il demeure optimiste et qu’il sait qu’il y aura éventuellement un retour à la normale, Damien Charest ne croit pas être en mesure de retrouver la cadence d’avant-pandémie, lorsque ce jour viendra. Les problématiques de recrutement de personnel qui donnaient des maux de tête aux restaurateurs il n’y a pas si longtemps reviendront, à son avis. La capacité réduite actuelle de sa salle et son nouvel horaire pourraient très bien devenir permanents, au sortir de la crise, confie-t-il.
Développement sur la glace
Damien Charest le dit sans gêne, les affaires allaient bien avant que la COVID ne se pointe le bout du nez. Les fins de semaine, le taux d’occupation de son restaurant frôlait les 95 % et ses projets de développement étaient nombreux. Terrasse verrière au deuxième étage et agrandissement de sa salle à manger à l’arrière du restaurant ne sont que quelques exemples de projets qu’il envisageait cette année pour son entreprise, mais qui sont aujourd’hui sur la glace pour une durée indéterminée.
« On ne sait jamais quand est-ce qu’on pourrait tomber en zone rouge. Je ne peux pas prendre de chance et me lancer dans des projets d’expansion. Ma priorité est de passer à travers la crise. Si je continue la gestion que je fais là, je crois que je vais y arriver, mais on ne peut pas faire de folies non plus. »
Aucune aide financière gouvernementale n’existe pour les restaurateurs et les propriétaires de bars situés en zone orange. Cette situation a d’ailleurs été amplement dénoncée par les chambres de commerce régionales depuis la mise en place des paliers d’alertes régionaux (code de couleurs) par le gouvernement au début de l’automne. La forte majorité des régions étant toutes en rouge, le message envoyé entendu nationalement est que les salles à manger des restaurants et les bars sont fermés, alors que ce n’est pas le cas en zone orange. Autrement, le gouvernement recommande de limiter les contacts. La clientèle devient inévitablement plus rare, déplore Damien Charest.
« On voit la différence, surtout auprès de ceux qu’on appelle les “habitués”. Ils sont moins là et on craint de ne pas les retrouver après la pandémie, car ils auront justement remplacé cette habitude-là. »
Le restaurateur est néanmoins positif. Il s’aperçoit qu’une clientèle généralement moins régulière est aujourd’hui plus fréquente.
« Ces clients-là viennent parfois deux fois par semaine et ils te disent qu’ils le font parce qu’ils veulent qu’on passe à travers. Ça, ça vient me chercher », confie Damien Charest qui estime que les messages suggérant de favoriser l’achat local étaient plus entendus que jamais dans la région. Il souhaite que cette bonne habitude se poursuive au sortir de la pandémie.