Crise dans les médias : le NPD dénonce l’inaction du gouvernement Trudeau

Suivre les faits, les gestes et les divers costumes de Justin Trudeau depuis deux ans – ou lire son budget de cette semaine – c’est se rendre compte de l’absence du Québec dans les priorités, voire dans le radar, du gouvernement libéral à Ottawa. Comme si on n’existait pas.

On a beau crier, agiter les bras, on a beau cuisiner Mélanie Joly sur Netflix à Tout le monde en parle, coincer Justin Trudeau sur la TPS au Téléjournal, ou interpeller les 40 élus québécois qui siègent parmi les députés libéraux : toujours rien. Avec mes collègues, je fais moi aussi pression depuis des mois au Parlement fédéral pour que ça bouge. Mais quand le feu est pris, ou quand nos médias – qu’ils soient sur tablette ou sur papier, à la radio ou à la télé – ferment ou sont menacés de fermeture, on se rend compte qu’Ottawa ne réagit pas plus, ne trouvant pas un seul dollar dans son budget 2018 pour aider nos médias nationaux.

Comme si, dans l’échiquier électoral de 2019, les enjeux québécois n’apparaissaient pas sur le radar des libéraux. Comme s’ils gouvernaient un autre pays, dont on ne ferait pas partie. Depuis la Révolution tranquille, le Québec n’a jamais été aussi ignoré.

En péril

Notre culture et nos médias sont les premières victimes de cette réalité. Si la crise des médias est un phénomène planétaire, c’est bien la voix unanime du Québec que le premier ministre ignore lorsqu’il persiste à donner un traitement de faveur injustifiable aux géants du web, un traitement de faveur qui mine notre démocratie, la compétitivité de nos entreprises, et la distinction culturelle québécoise.

Au Québec, on a détecté depuis longtemps la pointe de cet iceberg : Netflix. 72 % des Québécois s’opposent à l’entente douteuse, toujours secrète, signée « sous la table » entre Netflix et Ottawa, et 89 % exigent qu’elle soit rendue publique. Mais plus largement, le Québec entier se braque contre le congé fiscal accordé par Justin Trudeau aux multinationales d’internet, qui ne paient ni impôts ni taxes, contrairement à leurs concurrents d’ici. Entre respecter l’avis de 9 Québécois sur 10, et risquer quelques sièges en Ontario, Justin Trudeau a fait son choix.

L’iceberg qui attend notre culture n’est pas seulement le cas Netflix, loin de là : c’est aussi ce même traitement de faveur accordé par Ottawa à des entreprises comme Facebook et Google, qui aspirent désormais à eux seuls 70 % des revenus publicitaires, le gagne-pain de nos médias. Ceci n’est pas un détail : c’est une raison fondamentale de la crise.

Les investissements publicitaires finançaient jusqu’à récemment nos journalistes et leurs enquêtes, nos productions télévisuelles et notre musique : autrement dit, les bénéfices de la publicité restaient ici, et servaient à créer des emplois et du contenu. Aujourd’hui, avec la complicité de notre gouvernement fédéral, ces revenus sont envoyés directement à des multinationales en Californie, où vont dormir dans les comptes bancaires d’un quelconque paradis fiscal.

Nos médias – sur internet ou sur papier – menacent de fermer boutique. De nombreuses villes pourraient se retrouver sans média local. Même à Ottawa, dans la capitale du Canada, deux quotidiens sur trois appartiennent à un conglomérat qui titube au bord de la faillite, et le troisième – Le Droit – appartient à un groupe médiatique soutenu par… le gouvernement du Québec ! C’est dire à quel point le fédéral est absent ; pire, on a presque l’impression qu’il cherche à nuire.

Malgré les appels à mettre à jour les lois fiscales, le gouvernement Trudeau continue de donner une déduction fiscale pour l’achat de publicité sur les plateformes web étrangères – vous avez bien lu ! – alors qu’à l’origine cette déduction avait été conçue pour favoriser les dépenses publicitaires dans les médias d’ici.

Malgré les recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Ottawa persiste à exempter de la TPS toutes les dépenses publicitaires faites sur les plateformes comme Facebook ou YouTube, alors qu’il en impose sur les achats de pub sur des plateformes comme LaPresse+.

Malgré les enquêtes faites par TVA et d’autres médias, le gouvernement fédéral continue chaque année de couper les vivres au journalisme d’ici en réduisant ses placements publicitaires dans les médias québécois et canadiens, pour donner ces mêmes fonds aux géants du web californiens.

Rien dans le budget

Et puis, après deux ans de grandes consultations sur la crise des médias, après deux rapports et 32 recommandations largement ignorées, le gouvernement de Justin Trudeau a dévoilé son plan d’aide dans le budget de cette semaine : rien, pas un sou pour soutenir les médias nationaux et les quotidiens qui sont au bord de la faillite. Juste rien.

À cette négligence dangereuse s’ajoute un maigre 10 millions par année pour les journaux locaux (c’est-à-dire 1250 $ par journal au Canada, ou moins de 3 % du salaire moyen d’un seul journaliste). Et l’annonce d’une nouvelle étude, encore une, sur une mesure à définir pour aider les médias à attirer des dons.

Plus de 16 000 emplois ont été perdus dans le secteur des médias canadiens (radio, télé, médias écrits, internet) dans les 10 dernières années. Si 16 000 emplois devaient disparaître dans le secteur automobile ontarien, le premier ministre se ruerait sur place en hélicoptère.

Et peut-être même en costume traditionnel. Comment peut-on expliquer un pareil désintérêt pour autant d’emplois, et pour un service essentiel comme l’information ?

En tant que société, on pourrait choisir de soutenir le journalisme d’ici. Mais on ne s’étonne plus de l’indifférence de Mélanie Joly, de Bill Morneau et de Justin Trudeau aux consensus québécois, à notre indignation unanime face à l’entente Netflix et aux congés fiscaux pour les multinationales du web, et encore moins à la mobilisation des milieux québécois de la culture et du journalisme.

Le Québec n’entre tout simplement pas dans le calcul électoral des libéraux ; et tant pis pour notre distinction culturelle. Les choix d’Ottawa sont de toute évidence un vil calcul électoraliste, une décision bassement tactique qui supposent que le Québec oubliera tout ça d’ici les prochaines élections.

« Je me souviens » ? Je me souviens aussi d’un certain Pierre Elliott Trudeau, qui prenait lui aussi les Québécois pour des « mangeux de hot-dogs ».

Pierre Nantel, député de Longueuil-Pierre-Boucher à la Chambre des communes