Les campements ne sont pas légion comme dans les grands centres urbains, mais l’itinérance est un phénomène bien présent au Kamouraska. Tandem-Jeunesse, organisme basé à La Pocatière, est même aux premières loges pour constater une tendance à la hausse à ce chapitre depuis la pandémie.
Tandem-Jeunesse est un organisme communautaire qui vient en aide aux jeunes en difficulté âgés de 15 à 30 ans. Il offre entre autres des services d’hébergement aux 15-22 ans, d’appartements accompagnés aux 17 à 30 ans, et de soutien au logement par le biais de ses intervenants. La directrice générale, Karina Fleury, y travaille depuis 24 ans.
L’itinérance est depuis toujours une réalité avec laquelle son équipe et elle doivent jongler. « Il y a différents types d’itinérance. Ce qu’on appelle “l’itinérance cachée”, des gens qui peuvent squatter chez des proches un certain temps avant d’aller ailleurs, ça a toujours existé. L’itinérance visible, ça, c’est peut-être plus nouveau chez nous », explique-t-elle.
Campement démantelé dans la montagne du Collège à La Pocatière, ou tentes installées sur des terrains d’immeubles à logements, ces situations « d’itinérance visible » semblent s’être multipliées depuis la fin de la pandémie, au point où Karina Fleury parle de 2023 comme d’une année exceptionnelle, sans quantifier pour autant le nombre de fois où son organisme a été interpellé.
« C’est vraiment multifactoriel. Il serait difficile de pointer une raison plus qu’une autre. »
Le manque de petits logements abordables, la migration accrue vers les régions durant la pandémie, ou encore le manque de ressources financières et humaines, qui force les organismes communautaires en première ligne comme Tandem-Jeunesse à limiter l’accès à leurs services, sont quelques-unes des raisons évoquées par Karina Fleury pour expliquer la situation actuelle. « Contrairement aux grands centres urbains, nous ne sommes pas une région organisée pour soutenir l’itinérance à long terme : nous n’avons pas de refuge ni de soupe populaire. Et comme l’itinérance n’a pas de frontières, il est possible que des itinérants des centres urbains finissent par aboutir ici, en ignorant que nous ne sommes pas structurés de la même façon. »
Des solutions
Confronté à la réalité de l’itinérance depuis sa création, Tandem-Jeunesse a toujours été proactif afin de développer des solutions pour sa clientèle, au Kamouraska et ailleurs au Bas-Saint-Laurent. À une certaine époque, un partenariat avec le Cégep de La Pocatière permettait de loger temporairement des jeunes en difficulté dans les résidences de la 13e Avenue. Les résidences du Cégep étant aujourd’hui au maximum de leur capacité, ce partenariat n’est pas possible pour le moment.
Heureusement, Tandem-Jeunesse a d’autres ressources : deux appartements de transition à La Pocatière, et trois à Rivière-du-Loup. Ceux-ci sont cependant réquisitionnés pour de longues périodes afin d’accompagner le jeune dans sa quête d’autonomie. La location de ces logements est aussi rendue possible grâce à un partenariat étroit entretenu avec les propriétaires, « sans qui on n’y arriverait pas », reconnaît la directrice.
Dans Les Basques, Tandem-Jeunesse a contribué à mettre en place deux logements temporaires pour les jeunes qui cadrent difficilement en maison d’hébergement. « Les accueillir pour les remettre à la rue n’avait aucun sens! » Véritable succès, ce projet mené par Tandem-Jeunesse et d’autres organismes bas-laurentiens doit être répliqué dans d’autres MRC. « On a reçu une subvention sur cinq ans, on attend les montants officiels pour aller de l’avant », poursuit Karina Fleury.
Prévenir et sensibiliser
Prévenir et sensibiliser demeurent la clé pour régler les questions d’itinérance, selon la directrice de Tandem-Jeunesse. Un pas de plus en ce sens sera possible prochainement, grâce à une ouverture sans précédent de la Ville de La Pocatière survenue dans la dernière année, à la suite du démantèlement du campement dans la montagne du Collège.
« On travaille à un projet avec la Ville et d’autres acteurs communautaires. L’objectif est d’être mieux concertés », indique Karina Fleury.
De cette concertation nouvelle découlera la tenue à La Pocatière d’un événement annuel et national, La nuit des sans-abri, prévue au courant de la prochaine année. L’événement sert à sensibiliser et à combattre les préjugés liés à l’itinérance, à la pauvreté et à l’exclusion sociale, encore souvent associées à la toxicomanie ou à l’alcoolisme. « Il y a quelques années, j’ai rencontré avec un jeune une médecin de la région qui ne croyait pas qu’il y avait de l’itinérance chez nous. Si une médecin pense ça, imaginez la population en général! Ça donne un bon aperçu de tout le chemin qui reste encore à faire pour faire comprendre cette réalité aux gens. »