Deux anciens directeurs de l’ITA se prononcent sur son avenir

Bientôt, les ITA de La Pocatière et de Saint-Hyacinthe auront chacune un nouveau directeur de campus. Ces changements à l’organisation offriront-ils de meilleures perspectives d’avenir pour le campus de La Pocatière? André Simard et Rosaire Ouellet, respectivement directeurs généraux de l’ITA de La Pocatière de 1996 à 2010 et de 2010 à 2013, se prononcent.

Q : Le député Norbert Morin annonçait cet été qu’il ne voulait plus de direction générale par intérim à l’ITA de La Pocatière. Finalement, le MAPAQ répond en ouvrant un poste permanent, mais en changeant le vocable pour direction de campus. Selon vous, est-ce que ça va régler les problèmes de l’ITA de La Pocatière?

Rosaire : Ça va améliorer la situation par rapport à ce qu’on a connu depuis quatre ans, en redonnant la possibilité au campus de travailler avec les gens de la région. Mais on n’a pas le détail sur l’autonomie que le campus de La Pocatière aura. On confirme plutôt que ça sera un ITA, ce qui veut dire, selon moi, que les décisions et les grandes orientations de l’institution vont demeurer centralisées à Québec.

André : Dans cette annonce, on confirme le statu quo pour l’institution qui était pourtant dénoncé par le milieu. Rien n’est dit par rapport au volet recherche appliquée, ou même le volet coopération internationale. On dirait que ça a été abandonné. On parle de la formation continue, c’est correct, mais l’ITA de La Pocatière doit être plus que ça. On ne sait rien sur les orientations futures de l’institution.


Q : Dans l’année qui a suivi le dépôt du mémoire sur l’avenir de l’ITA, le Cégep de La Pocatière a proposé un regroupement administratif avec l’institution. Cette avenue a été écartée par le ministre Laurent Lessard, le printemps dernier, lorsqu’il a mentionné que le statut de l’ITA ne changerait pas. Croyez-vous que cette proposition aurait dû être étudiée davantage?

Rosaire : À l’époque de Claude Béchard, le rapport Pronovost recommandait de libérer les deux campus du carcan administratif de la fonction publique et d’en faire des écoles autonomes. C’est l’avenue en laquelle je crois : un conseil d’administration composé de gens locaux qui gère le budget de l’institut, un rapport des activités envoyé au ministre de l’Agriculture et non pas au ministère et un régime pédagogique qui relève du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Je n’ai jamais cru que le MAPAQ laisserait aller son école au Cégep.

André : Quand j’étais à la direction de l’ITA, je n’étais pas favorable à un regroupement administratif avec le Cégep. À ce moment-là, je considérais qu’on avait une assez grande marge de manœuvre et plus d’autonomie. Depuis, ma pensée a évolué, car j’ai constaté le rétrécissement de l’impact de l’ITA au sein du milieu et la diminution de la clientèle. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que l’ITA est considéré comme une simple direction du ministère. L’avenue avec le Cégep serait intéressante, mais toujours est-il qu’il faudrait prendre la peine de l’analyser.


Q : De 2012 à 2014, une baisse des inscriptions a été enregistrée à l’ITA de La Pocatière. Depuis l’automne 2015, elles sont en augmentation. Néanmoins, on sent que ça demeure fragile en raison de la baisse démographique qu’on vit dans la région. L’ITA devra-t-il accentuer ses efforts de recrutement à l’étranger?

Rosaire : Avant, on recrutait à l’étranger, mais ça ne se voit plus depuis les coupures, il y a quelques années. On avait une entente avec les 630 collèges publics français qui nous permettait d’envoyer des étudiants en stage là-bas et vice-versa. On a coupé la ressource qui s’en occupait. Je suis allé moi-même, à mes frais, faire un peu de promos en France, durant mes vacances et on me l’a reproché. Mais si on veut inciter des jeunes à venir étudier à l’ITA de La Pocatière, peu importe d’où ils viennent, il faut toujours bien faire la promotion de l’institution et s’assurer que quelqu’un qui s’y connaît explique aux jeunes les possibilités de carrière dans le domaine agricole.

André : On a toujours parlé d’une hausse de clientèle, mais en fait, il y a une hausse depuis 2014, mais on reste encore en baisse par rapport à 2012. (NDLR : 343 inscriptions au 20 septembre 2012 et 334 au 20 septembre 2016. Source : Service des communications de l’ITA – Campus de La Pocatière). Quand j’étais directeur, on a déjà eu plus de 400 étudiants. Recruter à l’étranger, c’est indispensable aujourd’hui et l’ITA a tout intérêt à le faire, étant donné qu’elle offre des formations dans des domaines spécifiques que d’autres établissements n’ont pas au Québec.


Q : Selon vous, l’avenir de l’ITA passe par quoi?

Rosaire : Ou bien on sort l’ITA du MAPAQ et on le remet entre les mains du ministère de l’Éducation, ou bien on fait ce que recommande le rapport Pronovost, ce que je préconise. En devenant une entité autonome avec son propre conseil d’administration, on aurait des gens de la région qui se préoccuperaient d’une formation en agriculture comme celle qui se pratique dans l’Est-du-Québec. Mais pour ça, ça prend une volonté politique.

André : L’avenir de l’ITA passe par lui trouver un statut qui lui permette d’évoluer et de mieux servir le secteur dans lequel il évolue et le milieu régional. Rendu là, toutes les options sont possibles, mais il faut prendre la peine de les étudier. Le statu quo n’est plus possible et je considère que les élus du milieu doivent continuer de marteler ce message si on espère un jour voir du changement.