Devons-nous sauver nos moulins patrimoniaux?

La destruction du moulin Lavoie de Saint-Pascal, construit au 18esiècle, questionne à savoir si les municipalités ou même les citoyens doivent faire le maximum pour sauver ces bâtiments appartenant à notre histoire régionale. Coûteuse et exigeante, leur restauration est loin d’être une partie de plaisir pour les amoureux du patrimoine qui décident de s’y lancer corps et âme.

Ancienne présidente de la Corporation du moulin de Saint-Pacôme, Réjeanne Hudon et six autres bénévoles ont tout donné pour sauver le bâtiment également connu sous le nom de moulin seigneurial Casgrain Lévesque. Durant 10 ans, ils se sont rassemblés toutes les fins de semaine pour redonner un peu d’amour à ce moulin qu’ils ont sauvé de la destruction en 2001, en le rachetant pour la somme de 1 $ et la valeur de son terrain. « On ne savait pas trop ce qu’on allait faire avec ça. Tout ce qu’on voulait, c’était sauver le bâtiment », de se rappeler Réjeanne Hudon.

« La préservation du patrimoine, ce n’est pas très populaire. Nos activités de financement fonctionnaient, mais souvent plus auprès des touristes que des gens de la région. Une fin de semaine qu’on faisait des travaux, quelqu’un est même passé et nous a crié : “Mettez-y le feu!” » – Réjeanne Hudon

Construit en 1840, le bâtiment n’était pas cité monument patrimonial. Les bénévoles de la Corporation avaient donc tout le loisir d’y faire les travaux qu’ils voulaient, malgré le fait qu’ils voulaient qu’il conserve un certain cachet. Par contre, très peu de subventions, pour ne pas dire aucune, étaient à leur portée. De plus, les travaux étant de plus en plus complexes, l’argent est vite devenu le nerf de la guerre du projet de restauration. « On a parti un petit café, La Maison du Cardeur, afin de financer les rénovations du moulin. C’était notre première vraie tentative de financement. Au final, ça nous a grugé plus de temps, d’énergie et d’argent que d’autres choses », d’indiquer l’ancienne présidente.

Le vent a tourné lorsque le maire actuel de Saint-Pacôme, Robert Bérubé, est venu porter main forte aux bénévoles. « Il nous a aidés à nous restructurer et on a parti “Les Amis du Moulin.” Les gens pouvaient nous verser 1000 $ avec intérêt sur cinq ans. Grâce à ça, on a été capable d’aller chercher 30 000 $ qu’on a pu investir en matériaux dans la restauration du Moulin », de résumer Réjeanne.

Goût amer

Après 10 ans de travaux, seule la partie ouest du Moulin était finalisée. Malgré tout, les bénévoles ont décidé qu’il était temps de vendre le bâtiment. Avec l’argent de la vente, ils ont pu rembourser tous les « Amis du Moulin » et même d’en redonner une partie à des organisations qui avaient pour mission de revaloriser le patrimoine bâti au sein du village de Saint-Pacôme. « Notre but n’était pas de rester avec quelque chose entre les mains ou de convertir ça en musée. Tout ce qu’on voulait, c’est que ça ne tombe pas dans la rivière et que ça demeure dans le paysage de Saint-Pacôme. »

Toutefois, si le sauvetage du bâtiment a réussi, Réjeanne Hudon garde un goût amer de cette expérience, ce qui l’empêche aujourd’hui de crier mission accomplie. D’une part, elle mentionne qu’outre les bénévoles et leurs entourages immédiats, très peu de gens au sein du village de Saint-Pacôme semblaient se soucier du sort du Moulin. « La préservation du patrimoine, ce n’est pas très populaire. Nos activités de financement fonctionnaient, mais souvent plus auprès des touristes que des gens de la région. Une fin de semaine qu’on faisait des travaux, quelqu’un est même passé et nous a crié : “Mettez-y le feu!” », se souvient-elle.

D’autre part, elle estime que le bâtiment aurait encore besoin d’un peu d’amour de la part du propriétaire actuel. « Ça m’empêche d’avoir un certain sentiment de fierté quand je passe devant. Bref, au départ tu le fais pour ton village, mais tu finis vite par te rendre compte que tu le fais pour toi dans le fond. Aujourd’hui, je préfère m’investir auprès des gens qu’auprès des bâtiments. C’est pourquoi si c’était à recommencer, je ne le referais pas », de conclure Réjeanne Hudon.