Éditorial : La fin des prix de consolation?

Tout le monde avait le cœur à la fête lors de l’annonce du prolongement du contrat de renouvellement des voitures Azur du métro de Montréal à l’usine Bombardier de La Pocatière. Deux semaines plus tard, les mines sont plutôt basses. Et avec raison, car l’avenir est loin d’être rose à moyen terme pour les travailleurs de l’usine.

Selon toute vraisemblance, Via Rail annoncerait sous peu qu’elle octroie le contrat du renouvellement de sa flotte de wagons du corridor Québec-Windsor à la multinationale allemande Siemens. Un contrat estimé à 1 milliard $ qui serait réalisé en… Californie! À côté de cela, les 580 M$ du contrat Azur annoncés en grande pompe le 12 novembre dernier, bien que non négligeables, viennent nous rappeler ce qu’ils sont : un prix de consolation du gouvernement du Québec suite au tollé soulevé par l’attribution du contrat du REM au consortium Alstom-SNC-Lavalin.

Maintenant, c’est à se demander si la participation du fédéral dans ce contrat n’a pas été motivée pour les mêmes raisons. Ottawa savait-elle que Bombardier était sur le point d’échapper Via Rail? À un an des élections fédérales, dans un comté où les Libéraux ont perdu par moins de 300 voix de majorité en 2015, la question est tout à fait légitime.

L’étau se resserre

Il n’en demeure pas moins que l’avenir de l’usine Bombardier de La Pocatière est préoccupant. Si les accords internationaux empêchent les sociétés de la couronne au fédéral et les sociétés d’État au provincial d’exiger un minimum de contenu canadien dans leurs appels d’offres pour le renouvellement ou la construction de matériel roulant, pour qui Bombardier La Pocatière pourra construire des trains dans le futur?

Aux États-Unis et dans plusieurs pays européens, les mesures protectionnistes n’empêchent en rien Bombardier Transport d’y décrocher des contrats. Toutefois, les trains qu’elle construirait le seraient dans les installations de ces pays afin de respecter les exigences en contenu local qui y sont réclamées. On peut donc croire que les retombées pour l’usine Bombardier de La Pocatière seraient minimes, voire inexistantes.

À l’échelle canadienne, le cas Via Rail nous apprend que les sociétés de la couronne ne peuvent exiger du contenu canadien pour les appels d’offres touchant le matériel de transport ferroviaire interurbain. Ce qui vient une fois de plus couper les ailes à Bombardier La Pocatière.

Il reste donc les marchés provinciaux. Là encore, l’étau se resserre. Seuls le Québec et l’Ontario disposent d’une exemption dans le cadre de l’Accord économique et commercial global (AECG) leur permettant d’exiger 25 % de contenu canadien pour l’achat futur de véhicules de transport en commun, selon les informations qui nous ont été fournies par l’attaché de presse du cabinet du ministre de la Diversification du Commerce international à Ottawa.

En Ontario, Bombardier possède déjà des installations à Thunder Bay qui ont servi récemment à la construction des nouvelles voitures du tramway de Toronto. Au Québec, le premier ministre François Legault ne cesse de rappeler qu’il compte bien se prévaloir de ce 25 % à la première occasion, mais pour quels contrats en transport collectif? À court ou moyen terme, son gouvernement, incluant la députée de Côte-du-Sud Marie-Eve Proulx, en est plutôt à privilégier la construction d’un 3e lien routier entre Québec et Lévis. On se demande donc où l’expertise de Bombardier Transport à La Pocatière pourrait bien être amenée à jouer un rôle dans ce projet!

Quel avenir?

Bref, les options d’avenir ne sont pas légion pour l’usine Bombardier de La Pocatière. Le président du Syndicat des employés de l’usine, Claude Michaud, n’a donc pas tort lorsqu’il avance que ses collègues et lui ne sont pas près de revoir des contrats comme celui d’Azur avec des contenus locaux qui s’élèvent à 65 %.

Dans ces conditions, l’autre solution pour Bombardier Transport serait peut-être de développer davantage de consortiums avec ses concurrents dans les prochains appels d’offres de matériel roulant à l’échelle nord-américaine. Parce que dans les conditions actuelles du marché, l’ère des prix de consolation gouvernementaux semble tirer à sa fin.