#ÇaVaBienAller disent les arcs-en-ciel qui se multiplient de façon exponentielle dans les fenêtres de nos maisons et de nos commerces depuis le début de la pandémie de la COVID-19. Pourtant, il suffit de jeter un regard dans les CHSLD de la région de Montréal, entre autres, pour voir que c’est loin de bien aller!
Pourtant, il y en a pour qui la COVID se vit de façon « heureuse », comme une belle vacance impromptue qui se pointe au milieu du printemps. On reste à la maison, payé à 100 % de notre salaire. Je parle évidemment des enseignants, dont mon cercle d’amis est plutôt bien garni et pour qui j’ai le plus grand respect, car je sais qu’en temps normal, leur travail est loin d’être une partie de plaisir contrairement à ce que s’imagine bien des gens.
À même titre que les médecins spécialistes qui se voient octroyés de généreux taux horaires par le gouvernement pour prêter main forte dans les CHSLD, ils n’ont pas choisi que les écoles où ils enseignent soient fermées, pas plus qu’ils sont responsables des misères occasionnées par la COVID-19 auprès de certaines catégories de personnes. Ils n’en demeurent pas moins qu’en ces temps de solidarité imposés, un peu de retenue est de mise.
Mais voilà que l’École polyvalente de La Pocatière a trouvé bon de partager sur sa page Facebook une vidéo de ses enseignants et des membres de son personnel en temps de confinement. Précisons toutefois que certains nous ont témoigné avoir préféré s’abstenir de participer.
Avant même la publication de ce papier, l’institution avait retiré ladite vidéo (sage décision). Au final, elle doit y être restée pas plus de 2 h, comme si on avait réalisé en cours de route le malaise qu’elle pouvait susciter. La Commission scolaire de Kamouraska—Rivière-du-Loup, quant à elle, a ensuite faite de même sur sa propre page Facebook, dans les minutes qui ont suivi la publication de cet éditorial sur notre site internet.
Dans les premières minutes de la vidéo, on pouvait y lire : « Nous avons le temps de prendre l’air à tous les jours! » S’y succédait ensuite une série d’images de gens tout sourire qui se baladaient dans les rues ou en forêt, en famille, ou avec pitou. D’autres jouaient de la musique, s’adonnaient à la lecture avec minou couché sur eux « pour relaxer », ou passaient tout simplement du temps de qualité avec leur progéniture – vous savez, quand on a la chance de ne pas avoir à se chercher de gardienne en temps de coronavirus…
On pouvait comprendre la volonté de l’École polyvalente, ici, qui était sûrement à la recherche d’une façon originale d’entrer en contact avec ses élèves par le biais des réseaux sociaux et du multimédia. Après coup, on nous a même fait état d’un défi lancé par le gouvernement étudiant de l’école. Il n’en demeure pas moins que l’orientation choisi n’était clairement pas appropriée, ou du moins, le canal de diffusion public à grande échelle n’était peut-être pas le bon.
D’autres écoles ont pourtant fait de même dans les dernières semaines, mais en axant principalement le contenu de leurs vidéos sur des enseignants qui incitent les élèves à poursuivre leurs apprentissages de façon ludique durant le confinement à la maison. C’est très différent d’un « Voici ce que vos enseignants et membres du personnel font durant la quarantaine », comme on pouvait lire en ouverture de la vidéo de l’École polyvalente.
Malheureusement pour les enseignants et les membres du personnel, autant les intentions derrière cette vidéo étaient assurément excellentes, autant elle n’a pas aidé à chasser cette image de « privilégiés » que la population peut entretenir à leur égard, dans un contexte où les exemples de personnes défavorisées par la crise de la COVID-19 pullulent depuis un mois : chômeurs par millions, employés du milieu de la santé surexposés au virus, travailleurs au salaire minimum évoluant dans des conditions complexes dans les commerces jugés essentiels, entrepreneurs en arrêt forcé et dont l’avenir de l’entreprise est peut-être incertain, etc. Entre vous et moi, plusieurs de ces gens préféreraient plutôt prendre l’air tout bonnement en famille à tous les jours, ou s’adonner à de merveilleux passe-temps dans le confort de leur foyer, plutôt que devoir affronter la triste réalité que leur impose la COVID-19 depuis cinq semaines.
Mais malgré tous ces drames humains qui sont pourtant connus et portés à nos oreilles quotidiennement depuis un mois et qui nous rappellent que nous sommes encore loin du moment où les licornes tatouées d’un #ÇaVaBienAller vont commencer à courir dans des champs verdoyants sous un arc-en-ciel de bonheur, l’École polyvalente a trouvé bon nous rappeler qu’elle avait la COVID « heureuse »! Si j’estime que nous devons leur pardonner cette maladresse, permettez-moi par contre de donner raison à François Legault : le temps est peut-être venu de rouvrir les écoles le 4 mai!
https://www.facebook.com/cskamloup.qc.ca/videos/551369189090486/