Éditorial : La réhabilitation de Marie-Eve Proulx

Photo : Maxime Paradis.

Feu René Angélil, lorsqu’il était directeur à Star Académie, disait à ses élèves qu’ils pouvaient s’enfarger, pourvu qu’ils soient bons au moment où ça comptait. Si les derniers trois ans de la députée de Côte-du-Sud Marie-Eve Proulx étaient une longue répétition et la dernière semaine le gala dominical où le public avait à voter, il y a fort à parier qu’elle aurait été couronnée.

Tout a commencé lors de la conférence de presse du Centre communautaire et culturel de la Pointe-aux-Orignaux (CCCPO) tenue à la Chapelle du quai de Rivière-Ouelle. La députée était décontractée, enjouée et intéressée. En bonne complice, elle a même lancé un défi au maire de Rivière-Ouelle Louis-Georges Simard : celui de faire cocréation en bois de grève, dans le cadre du concours de sculpture annuel de l’organisme. On verra bien si l’invitation se concrétise…

Deux jours plus tard, elle était aux côtés de son collègue André Lamontagne, de la directrice de l’ITAQ Aisha Issa et du président du conseil d’administration Alain Chalifoux pour donner le coup d’envoi à la nouvelle institution qui a officiellement été constituée le 1er juillet. Après des semaines de critiques à son endroit en lien avec ce dossier épineux où elle s’est fait reprocher d’avoir laissé filer à Saint-Hyacinthe le siège social et la direction générale, Marie-Eve Proulx se devait d’être convaincante, chose qu’elle a très bien réussie.

Dans un vibrant plaidoyer, elle a témoigné de son travail dans l’ombre auprès du ministre de l’Agriculture afin que soient considérées la riche histoire et l’expertise du campus de La Pocatière au sein de l’ITAQ. S’il s’agissait quand même d’une occasion pour elle de se justifier face à ses détracteurs, l’ensemble était senti et honnête.

André Lamontagne a de son côté reconnu avoir entendu les doléances du milieu, mais particulièrement celles de Marie-Eve Proulx : la convention financière qui liera l’ITAQ au MAPAQ obligera un partage équitable des ressources administratives entre Saint-Hyacinthe et La Pocatière et le conseil d’administration ne pourra procéder autrement sans l’accord du ministre. Prix de consolation ou non, il faut le reconnaître, il s’agit là du meilleur coup politique de la députée à ce jour.

Et pour revenir à son témoignage d’une grande sincérité, la députée a même été émotive dans sa livraison en faisant référence à l’Abbé Maurice Proulx, cinéaste de renom originaire de son village de Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud et ancien enseignant à la Faculté d’agronomie de La Pocatière. Cette prise de parole tranchait avec toutes les autres qu’elle a effectuées ces trois dernières années et qui laissaient trop souvent un goût amer de cassette en bouche. L’humanité dont elle a fait preuve dans la livraison de son discours a non seulement porté ombrage à tous les autres interlocuteurs présents sur scène ce jour-là, mais il est possiblement la meilleure démonstration de l’attachement profond qu’elle a à l’égard de son grand comté et toute la fierté qu’elle a à le représenter, chose qu’elle sait aujourd’hui fragile, après ses déboires comme ministre déléguée au développement économique régional.

Il faut toutefois reconnaître que cette semaine qui ne s’est pas déroulée sous les yeux d’un grand nombre d’électeurs du comté ne sera probablement pas suffisante pour faire oublier la gestion chaotique qui a régné au sein de ses équipes de travail depuis trois ans et qui lui a coûté son poste de ministre. Elle ne fera pas oublier non plus certains de ses engagements électoraux toujours non concrétisés, comme celui de redonner du pouvoir en matière de gestion des ressources humaines et des opérations aux établissements de santé locaux, ou de venir à bout des horaires de faction pour les paramédics de La Pocatière et de Saint-Jean-Port-Joli.

Mais en ce qui concerne l’ITAQ, dossier où son prédécesseur Norbert Morin a accouché d’une souris en obtenant que la nomination d’un directeur de campus après des années de débats sur son statut, Marie-Eve Proulx a réussi à sauver la face, à minuit moins une. Et on peut aussi dire mission accomplie à la députée, si la dernière semaine était le premier jalon qu’elle entendait poser dans le long processus de réhabilitation qui doit la conduire à la prochaine élection à l’automne 2022. La politique est souvent quelque chose d’ingrat, mais aussi de très valorisant, quand on réussit à faire la différence.