Éditorial : le marketing de la contradiction

Le printemps dernier, la MRC de L’Islet lançait sa campagne de marketing territorial. Une démarche bénéficiant d’un budget de 200 000 $ sur trois ans, dont l’objectif principal est d’inciter les jeunes âgés de 18 à 34 ans de la région de Québec à déménager dans L’Islet.

Question de bien se vendre aux milléniaux, six angles de séduction ont été déterminés pour la campagne publicitaire : des jobs à la tonne, des passions accessibles, des maisons pas chères, la sainte paix, prendre le temps et une communauté. Les publicités faites dans le cadre de cette démarche réfèrent toutes à une page d’atterrissage, cestouca.com, où il est possible d’en savoir plus sur chacun de ces six thèmes.

Après tant d’efforts, il est surprenant de constater que les élus de L’Islet semblent préoccupés aujourd’hui à se demander si leur MRC doit, oui ou non, appuyer le projet d’un troisième lien à l’est de Lévis. N’y a-t-il pas une contradiction ici entre le désir de vouloir régler les problèmes de congestion routière entre la rive-nord et la rive-sud de Québec, alors qu’en parallèle, on fait du marketing territorial auprès des jeunes de cette région en leur disant que dans L’Islet, il n’y a #pasdetrafic?

Pourquoi appuyer?

Selon le préfet de la MRC de L’Islet et maire de Saint-Adalbert, M. René Laverdière, un troisième lien à l’est de Lévis serait bénéfique pour les entreprises de camionnage de L’Islet-Sud. Beaucoup de temps serait perdu à contourner la ville de Québec par l’ouest pour les camionneurs qui doivent se rendre sur la Côte-de-Beaupré, dans Charlevoix, au Saguenay-Lac-Saint-Jean ou même sur la Côte-Nord.

Pourtant, s’il y a bien un secteur de L’Islet qui aurait tout avantage à profiter des misères de la circulation à Québec pour attirer les 18-34 ans, c’est bien le sud de la MRC, ou plutôt, le royaume de « la sainte paix. » Faute d’un nombre suffisant d’enfants, l’école de Saint-Marcel passait à un cheveu de la fermeture cette année, tandis qu’à Saint-Adalbert, village de M. Laverdière, l’école y est fermée depuis maintenant quelques années. Pas très vendeur pour « une communauté. »

À Saint-Adalbert, Sainte-Félicité, Tourville et Saint-Marcel, la Caisse Desjardins du Sud de L’Islet et des Hautes-Terres a fermé ses centres de service en 2017 en raison d’un faible achalandage. Pas très pratique lorsqu’on veut s’acheter une « maison pas chère. »

Pénurie de main-d’œuvre

Dans L’Islet-Nord, un troisième lien à l’est de Lévis pourrait peut-être permettre de combler plus aisément les « jobs à la tonne » qu’on y retrouve. Toutefois, le risque que ce comblement d’emplois ne vienne plutôt élargir la banlieue sud-côtoise (Lévis) à la ville de Québec, la Côte-de-Beaupré et l’Île d’Orléans, n’est pas à négliger. Parce qu’avec un tunnel construit, par exemple, à la hauteur de la route Lallemand à Lévis, il est réaliste de croire que ce nouveau bassin de travailleurs résident sur la Rive-Nord de Québec se trouvera minimalement à 50 min de route de L’Islet, via l’autoroute 20. Quel sera donc l’intérêt d’y déménager pour « prendre son temps », quand il sera possible de le prendre tous les jours sur la route, matin et soir? La région de Québec n’offre-t-elle pas des « passions accessibles », elle aussi?

Bref, si le malheur des uns fait souvent le bonheur des autres, il serait peut-être plus sage pour les maires de L’Islet de ne pas trop se préoccuper du troisième lien. D’une part, parce qu’il est préférable d’être cohérent quand on est dans un processus de vente. D’autre part, parce que Lévis et Québec pèsent suffisamment lourd à eux seuls pour se faire entendre face au gouvernement sans y ajouter leur voix. De toute manière, en feraient-elles autant pour L’Islet, si la situation se présentait? Depuis le temps que les villes se développent sur le dos des régions, permettez-moi d’en douter…