Alors, votre été? Le mien, c’était une semaine ici, et l’autre à Disney World pour tester si mon cœur d’enfant avait survécu aux années. Résultat : il s’est pris un coup de vieux après une semaine intensive de cris et de hurlements d’enfants aux cordes vocales résolument en forme.
Je plaignais tellement ces pauvres parents qui enduraient ces cris stridents interminables, direct dans le trou de l’oreille : JE VEUX UN MICKEYYYYYYY. Plusieurs ont sûrement pensé, ne serait-ce qu’un instant, déposer leur progéniture dans un panier d’osier devant le portail du château enchanté, en espérant qu’Olaf le trouve et que Simba soulève triomphalement l’enfant devant la foule en délire en invoquant la beauté de l’histoire de la vie.
Bref, au milieu de ce joyeux chaos et des stationnements de poussettes louées — commerce qui doit être aussi lucratif que de vendre des couvertures au pôle Nord —, me demandant où était passé mon cœur d’enfant, j’ai pensé me rouler par terre en faisant la danse du bacon et en hurlant, comme le faisaient si bien les petits [monstres] autour de moi. Ce qui me restait de bon sens m’en a retenu. Et le juge m’aurait fait enfermer si je lui avais dit que c’était la faute de Minnie.
Toujours est-il que…
Sous un soleil de plomb, Mickey et ses amis s’exécutent devant le — vrai — château de Cendrillon, et j’ai l’idée d’immortaliser ce moment si onéreux. Je clique. À travers mes 82 bonnes photos, une m’intrigue. Mickey a les yeux fermés. Comment une mascotte peut-elle avoir les yeux fermés? Je fais la remarque à un couple de Québécois, et voilà que leur jeune fille me sert ze réplique : « C’est normal, tout le monde cligne des yeux ».
Et vlan. Pendant que je me cassais la tête sur des détails, la vérité est sortie de la bouche d’une enfant de sept ans. « Heille, ma grande, dis-moi donc pourquoi ton bonhomme de neige Olaf ne fond pas à 45 degrés de chaleur? ». Ben non. Je n’ai pas osé briser son enfance au moment même où je recherchais mon cœur d’enfant, et qu’elle venait de me donner la recette pour le retrouver : vivre le moment présent et arrêter d’essayer de rationaliser.
Accepter qu’une souris de six pieds cligne des yeux, que 90 perroquets s’exécutent en chœur, et que des centaines de poupées dansent en chantant qu’après tout, le monde est petit. Et dans ce monde d’émerveillement, on vous répond lorsque vous demandez sérieusement à quel endroit se trouve Pandora, ou la Reine des neiges, la souris Rémy ou Goofy.
L’ironie, lorsqu’on a l’âge de vouloir retrouver son cœur d’enfant, c’est que l’on sait que ces enfants émerveillés vont vite oublier cette magie, lorsque la vie les fera s’éloigner à vitesse grand V de cette belle innocence qu’ils se plairont à rejeter à l’adolescence, et au fur et à mesure que le métro-boulot-dodo s’installera. Ici, en région, le Métro c’est une épicerie, mais ça fitte quand même dans mon histoire.
Et après des années à être sérieux, à rationaliser, analyser, budgéter et payer l’hypothèque, ils tenteront, une fois leur vie bien avancée, de retrouver ce cœur d’enfant en regardant de vieilles photos et en se demandant pourquoi Mickey a les yeux fermés.