En 1870, raconte l’écrivain Henri-Raymond Casgrain (1831-1904), plus de 100 000 anguilles sont capturées en une seule nuit à l’embouchure de la rivière Ouelle et dans ses environs. Comment est-ce possible ? L’écrivain aurait-il exagéré ?
La pêche automnale à l’anguille se pratique sur la Côte-du-Sud depuis le début du Régime français. Lors de sa migration vers la mer des Sargasses, ce poisson se déplace par milliers le long du fleuve. Selon une croyance relevée par l’historien Jean Provencher, l’anguille arrive à Rivière-Ouelle entre la fête de Saint-Mathieu, le 21 septembre, et la Saint-Michel, le 29 septembre.
Sous le Régime français, pour capturer l’anguille, les habitants de Rivière-Ouelle utilisent les pêches à fascines. Grâce à un système de treillis en piquets entrelacés par des branchages, les pêcheurs forment deux barrières qui conduisent l’anguille vers deux entonnoirs et un coffre en bois. Les installations de pêche sont parfois imposantes et demandent un énorme travail. En 1966, l’ethnologue Marcel Moussette observe à Rivière-Ouelle un mur de fascines et de fils de fer de 365 mètres de long sur deux mètres de haut.
Malgré son apparence rebutante dans l’imaginaire, l’anguille s’est très tôt retrouvée dans l’alimentation des habitants de la Côte-du-Sud. Sous le Régime français, on la vendait dans des barriques pleines de sel. Dans la région, les cuisinières ont développé des savoirs et des savoir-faire culinaires pour l’apprêter. Elles ont concocté la recette de l’Anguille à la riveraine. Certains pêcheurs ont aussi développé une technique laborieuse pour fumer l’anguille. Par ailleurs, qui se souvient de la babiche d’anguille qui servait à attacher divers objets? La pêche commerciale à l’anguille a connu son âge d’or entre 1950 et 1970. Certains se rappellent sans doute des pêches d’Émile Lizotte, d’Adalbert Bélanger ou de René Hudon à Rivière-Ouelle.
Pour en savoir plus sur la pêche à l’anguille à Rivière-Ouelle, voir le livre de Roger Martin, L’anguille (Leméac, 1980).