Un enseignant de l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA), campus de La Pocatière, a obtenu gain de cause face à son employeur, le ministère de l’Agriculture, qui n’aurait pas dû le suspendre et le relever provisoirement de ses fonctions.
Si le jugement dans cette affaire vient d’être rendu, les difficultés qui ont mené à cette affaire en cour ne remontent à rien de moins que 2011.
À l’époque, Claude Gélineau enseignait à ses élèves la culture maraîchère biologique sur un lopin de terre, appelé la parcelle 40. Les produits de la récolte étaient vendus en kiosque à la fin de l’été.
Durant l’été 2011, un laboratoire indépendant qui a analysé l’eau de l’étang qui irrigue la parcelle faisait état de coliformes fécaux et de phosphore. Des enseignants se sont ensuite déchirés quant à l’impact de cette analyse sur la qualité de l’eau.
M. Gélineau déplorait que des rumeurs sur la qualité des produits vendus en kiosque avaient entachés la réputation de l’ITA. Le taux de coliformes était, selon lui, négligeable.
D’autres enseignants pensaient différemment, dont deux en particulier. L’un d’entre eux a alors déposé une plainte à la direction contre M. Gélineau. Une chicane s’est installée entre les parties.
« Certaines actions sont entreprises par l’ITA afin de mettre fin à ce conflit qui prévaut et qui concerne plus particulièrement trois personnes », indique la juge du tribunal administratif, Myriam Bédard.
Puis, les années passent et M. Gélineau est affecté à d’autres mandats avant de revenir donner un cours à l’hiver 2019, où il choisit pour ses élèves une étude de cas : étudier la problématique du phosphore concernant la fameuse parcelle 40.
Relevés provisoires
Lorsque les enseignants concernés par l’affaire de 2011 apprennent que l’enseignant Gélineau a proposé cette étude de cas, ils ne souhaitent pas répondre aux questions des étudiants.
« Il répond à l’étudiante qu’il ne peut l’aider et qu’il ne veut pas en parler, tant cette affaire lui rappelle de mauvais souvenirs. Selon le chef de programme, ils sont tous d’avis que c’est un mauvais choix de sujet considérant que la question est très sensible et comporte une « charge émotive très élevée» », peut-on lire.
En février 2019, la situation s’envenime et M. Gélineau dépose des griefs dénonçant des gestes de harcèlement psychologique. Finalement, le 29 avril, l’enseignant est relevé provisoirement de ses fonctions. « Cette décision est rendue nécessaire considérant des informations qui ont été portées à notre connaissance récemment », a indiqué la direction.
On lui reproche d’avoir contrevenu à la politique sur l’évaluation de la langue française dans les travaux. L’autre point est qu’il aurait manqué de respect à ses collègues et aux étudiants en ramenant un sujet important et sensible.
Plus loin dans le jugement, la juge conclut que les deux éléments n’étaient pas fondés. Dans le second cas, la juge estime que les événements survenus en 2011 ont résulté en un conflit principalement entre trois enseignants en désaccord sur une question concernant la parcelle 40.
La direction a aussi relevé provisoirement l’enseignant une seconde fois en août 2019. La direction expliquait qu’elle n’avait pas le choix de l’imposer pendant l’enquête portant sur le grief de harcèlement psychologique. La juge a plutôt déterminé qu’un relevé provisoire qui « s’étend sur une aussi longue période (c’était toujours le cas en décembre 2019) ne peut être considéré comme une mesure visant à protéger le salarié pendant une enquête qui n’aboutit pas. Ce long délai relève le caractère excessif de la mesure », écrit la juge.
Elle annule ensuite la suspension et le relevé provisoire des fonctions imposé à Claude Gélineau.
Pour des raisons de confidentialité des dossiers de ressources humaines et de respect de la vie privée, le MAPAQ a dit ne pas pouvoir commenter le dossier en question. Le MAPAQ s’est conformé à la décision rendue par le Tribunal administratif du travail le 2 mars dernier.