Pour son édition de fin d’année, Le Placoteux tient à souligner les accomplissements d’une personnalité de Kamouraska-L’Islet qui a marqué l’actualité régionale en 2017. C’est le cas de Joseph Gagnon de Saint-Jean-Port-Joli. Plusieurs mois après sa traversée de l’Atlantique à la rame, il a accepté de nous raconter son histoire et de revenir sur ce périple fort médiatisé, où lui et son coéquipier ont failli y laisser leur peau.
Le matin de notre rencontre, Joseph Gagnon était habillé de la tête aux pieds des mêmes vêtements et des mêmes accessoires qu’il portait le jour où lui et son coéquipier irlandais, Brian Conville, ont chaviré au large des côtes irlandaises, dans l’océan Atlantique. Un hasard, nous a-t-il dit.
Le 21 juillet dernier au petit matin, après 38 jours en mer, la traversée en duo de Joseph Gagnon a pris fin abruptement lorsqu’une vague a déferlé sur leur embarcation, la faisant chavirer. À ce moment, son coéquipier et lui n’étaient qu’à 165 milles nautiques de côtes irlandaises, point d’arrivée de leur traversée. « On était en train d’établir notre plan de survie quand les secours sont arrivés », de rappeler Joseph.
Digne d’Hollywood
Cette histoire, Joseph l’a racontée des dizaines de fois, sinon des centaines de fois à ses proches, mais également aux nombreux journalistes canadiens, irlandais et britanniques qui se sont intéressés à son épopée, dont la finale est digne des meilleurs films hollywoodiens. Mais ce qui fait un bon film, ce n’est pas tant la finale, mais tout ce qui la précède. Et c’est le cas de Joseph Gagnon, dont toute l’histoire est fascinante d’un bout à l’autre.
Né d’une mère française, Claire Martin, et d’un père québécois, Jean Gagnon, Joseph a passé son enfance sur les bateaux. Amateur de voile, son père a longtemps participé aux Régates des Piliers organisées annuellement à Saint-Jean-Port-Joli. Avec le voilier familial, baptisé Namasté, Jean Gagnon a traversé l’Atlantique à quatre reprises en destination de la France. Sa plus récente traversée, en 2012, était la première à laquelle prenait part Joseph. Sa mère, Claire, sa sœur et sa tante, Monika Gagnon, étaient également du voyage, sans oublier une autre rameuse québécoise bien connue, Mylène Paquette, qui les a accompagnés sur le chemin du retour. « C’était un an avant que Mylène ne traverse l’Atlantique à la rame en solo », de préciser Joseph.
Le rêve
Cette première traversée et cette rencontre seront, entre autres, deux des éléments déclencheurs qui motiveront Joseph à vouloir retourner en mer, mais cette fois en solitaire. Au départ, il souhaitait le faire à la voile. Mais le 14 novembre 2014 (il se souvient de la date exacte), il a décidé que ça serait à la rame. « Après notre traversée familiale, mon seul désir était de traverser à nouveau. Mais j’avais encore mon secondaire à terminer et c’était difficile. Ce projet-là, je le voyais comme quelque chose que je pouvais accomplir et réussir », confie-t-il.
« Après notre traversée familiale, mon seul désir était de traverser à nouveau. Mais j’avais encore mon secondaire à terminer et c’était difficile. Ce projet-là, je le voyais comme quelque chose que je pouvais accomplir et réussir. »
C’est alors qu’il a décidé de partager son rêve à Mylène Paquette qui fut la première personne du continent américain à réaliser le même exploit, un an auparavant. « Au départ, elle ne savait pas trop si elle devait m’encourager ou non. Elle a écrit à ma mère pour lui demander son avis », dit-il en riant. « Son aide a vraiment été précieuse, elle m’a permis de bien structurer mon projet. »
Brian
Appuyé de tous, Joseph n’envisageait toutefois pas de traverser l’Atlantique une première fois en tandem. C’est sa tante Monika qui l’a convaincu de passer par cette étape, avant de se lancer en solo. Elle proposait même de l’accompagner. « Mais ma cousine est tombée enceinte et comme l’accouchement était prévu au même moment où on serait en mer, ma tante a choisi de rester pour être à ses côtés », d’indiquer Joseph.
Comme il état hors de question de reporter la traversée, Joseph s’est tourné vers un groupe Facebook de rameurs océaniques pour se trouver un coéquipier. C’est comme ça qu’il a déniché Brian Conville, qui venait tout juste de traverser le Pacifique avec quatre autres personnes. Ils ont pris le large à partir de Saint-Jean-de-Terre-Neuve, en direction de Noirmoutier, en France, le 13 juin dernier.
Traversée difficile
Favorable à une avancée rapide, la météo de l’Atlantique a pourtant donné du fil à retorde aux deux rameurs. Vent, pluie, froid, tous les ingrédients étaient au rendez-vous pour affecter leur moral, plus particulièrement celui de Brian. C’est pourquoi Joseph a finalement accepté de mettre le cap sur l’Irlande à mi-parcours, pour arriver plus rapidement. Une décision qui aurait pu avoir raison de leur vie. « Quand on a chaviré, j’étais en mode survie. Je pensais qu’on allait mourir, mais en même temps, je n’avais pas peur. C’est difficile à expliquer. »
« Quand on a chaviré, j’étais en mode survie. Je pensais qu’on allait mourir, mais en même temps, je n’avais pas peur. C’est difficile à expliquer. »
Heureusement, Brian et Joseph ont survécu. Ils ont passé 8 h à dériver sur leur bateau renversé, dans les eaux glaciales de l’Atlantique Nord, avant d’être repéré par des avions de l’armée et d’être secouru par un hélicoptère de la Garde côtière irlandaise.
L’après
De retour au Québec, la traversée de Joseph Gagnon était peut-être terminée sur la mer, mais pas dans sa tête. « J’ai fait une sorte de petite dépression post-traversée. C’est courant chez les rameurs océaniques. J’ai mis tout l’automne à m’en remettre. »
Le fait que son bateau n’avait toujours pas été retrouvé lui occasionnait beaucoup de stress, entre autres. Mais tel un miracle de Noël, il apprenait il y a quelques jours à peine que celui-ci avait été retrouvé intact par des pêcheurs, au large de l’Angleterre et qu’il le recevrait pour le 22 décembre.
Grâce à cette découverte, Joseph Gagnon peut maintenant revenir à son plan initial, retourner sur l’Atlantique, mais en solitaire. Et non, il n’a pas l’intention de se laisser refroidir par la tournure tragique de sa dernière traversée. « Ce qui nous est arrivé, c’est ce qui me convainc de repartir aujourd’hui, car je sais maintenant que je suis mieux préparé. »