La crise agricole est bien présente au Bas-Saint-Laurent

Julie Gagnon exploite une ferme laitière avec sa famille. Photo : UPA

« Je ne dis jamais à mon voisin que ça va mal. Tout va toujours bien, et c’est la même chose pour tous les agriculteurs ». Julie Gagnon, première vice-présidente de l’Union des producteurs agricoles du Bas-Saint-Laurent, exprime une malheureuse réalité. Tout va bien, même si en réalité, tout va de plus en plus mal.

Le Bas-Saint-Laurent n’est pas à l’abri de la crise que traverse le monde de l’agriculture, au contraire. Chez nous, elle est amplifiée. « Nous sommes loin de grands centres, alors il y a beaucoup de facteurs qui s’ajoutent à nos coûts, dont le transport. Tout coûte plus cher, et nous n’avons pas plus d’argent », note Mme Gagnon.

L’un des principaux problèmes est l’augmentation des coûts de production. Le prix des semences, des engrais et du carburant a considérablement augmenté, ce qui met une pression énorme sur les marges de profit des agriculteurs. Comme les prix des produits agricoles n’ont pas suivi le rythme de l’inflation, les agriculteurs reçoivent moins d’argent. Cette situation est particulièrement difficile pour les producteurs de lait et de porc, qui sont aux prises avec des prix particulièrement bas.

Changements climatiques et normes gouvernementales

Les changements climatiques constituent un autre défi majeur. Les sécheresses, inondations et autres événements météorologiques extrêmes deviennent de plus en plus fréquents, ce qui entraîne des pertes de récoltes et une augmentation des coûts d’assurance. « Nous avons eu quatre sécheresses en ligne ces dernières années. Ça c’est quand ce n’est pas cinq jours de pluie et un de soleil », renchérit Julie Gagnon.

En outre, les agriculteurs sont soumis à des normes gouvernementales de plus en plus strictes en matière de bien-être animal, de protection de l’environnement et de sécurité alimentaire. Leur mise en œuvre s’avère coûteuse et difficile. « Rien que pour les normes environnementales, il faut consacrer annuellement à la paperasse entre quatre et dix semaines de 35 heures. Et ce n’est qu’une couche qui s’ajoute au reste », note Mme Gagnon, qui exploite une ferme laitière de 80 têtes.

Stress et détresse psychologique

La combinaison de ces facteurs crée un climat de stress et de détresse psychologique important chez les agriculteurs. Beaucoup d’entre eux travaillent de longues heures pour un maigre salaire, se sentant constamment menacés. Résultat, plusieurs doivent occuper un deuxième emploi. Cette situation a des conséquences néfastes sur la santé mentale. En région, tout le monde se connaît. Personne ne veut que l’on dise que telle entreprise agricole va mal. Il s’installe alors une solitude malsaine qui crée une détresse psychologique que l’agriculteur est seul à affronter.

« Nous avons deux travailleurs de rang qui visitent les agriculteurs, et nous avons noté une forte hausse de la demande. On travaille avec en tête qu’au lieu de payer 20 000 $ en intérêt sur les prêts des équipements que nous avons dû acheter, ce sera peut-être 60 000 $. Lorsque l’on demande aux agriculteurs quel est leur principal obstacle, 84 % répondent les taux d’intérêt. L’an dernier, cette proportion était de 78 % », conclut Mme Gagnon.

Parmi les solutions, l’UPA demande des programmes d’aide financière pour compenser l’augmentation des coûts de production, des mesures pour rehausser les prix des produits agricoles, un assouplissement des normes gouvernementales, et des services de soutien en santé mentale pour les agriculteurs.