Yvon Soucy a présidé sa dernière séance du conseil des maires de la MRC de Kamouraska le 13 octobre dernier, marquant du même coup la fin de 16 années passées en politique municipale, dont 12 à titre de préfet. N’en déplaise à ses principaux détracteurs, l’héritage que le préfet sortant laisse derrière lui est colossal et risque fort de perdurer dans le temps.
Dans une allocution sentie et livrée sans artifice, à l’image de ce qu’il a été, c’est-à-dire un préfet humble et accessible, Yvon Soucy a rappelé ses débuts en politique municipale en 2005, alors qu’il a été porté à la mairie de Mont-Carmel avec une équipe de conseillers principalement composée de jeunes parents soucieux de revitaliser leur municipalité. Il ne pensait pas faire plus d’un mandat, avait-il confié au Placoteux en décembre 2019. Lorsqu’il a finalement fait le saut à la préfecture, il laissait derrière lui une municipalité redynamisée comme jamais, une approche qui a certainement inspiré ses successeurs qui ont depuis repris le flambeau.
Réalisations
Élu préfet sans opposition en 2009, ce qu’il a répété en 2013 et en 2017, Yvon Soucy a depuis travaillé à poser les assises de la MRC que nous connaissons aujourd’hui : fondation de Promotion Kamouraska, ayant pour mandat, entre autres, la promotion touristique du territoire ; création du Parc régional du Haut-Pays de Kamouraska, un modèle inspiré des parcs naturels régionaux français ; mise en place du Service de développement territorial à la suite du démantèlement des CLD ; positionnement du Kamouraska autour du mycodéveloppement par la structuration de la filière qui s’était développée sur le territoire au cours de la dernière décennie.
Sur le plan des infrastructures, ses principaux legs sont la construction nécessaire de l’Édifice Claude-Béchard qui abrite les bureaux de la MRC de Kamouraska à Saint-Pascal et celle de la Maison du Kamouraska à La Pocatière, un bureau touristique novateur, mais dont l’architecture du bâtiment ne fera probablement jamais l’unanimité.
Concernant le développement éolien dans l’Est-du-Québec, la participation du Kamouraska au sein de l’Alliance éolienne de l’Est mérite aussi d’être soulignée, ne serait-ce que pour les revenus annuels moyens de 750 000 $ qu’elle apporte à la MRC.
Leadership
Tous ces projets ou réalisations, quelques fois contestés, ont néanmoins apporté plus de résultats positifs pour le Kamouraska que son contraire et ils demeureront pour longtemps associés à l’ère Soucy. Mais surtout, ils sont le fruit de la concertation des élus de la MRC, un élément, pour ne pas dire la vision, qui a toujours animé Yvon Soucy depuis le jour un de son élection à la préfecture.
Il faut dire que par son leadership à la fois tranquille et rassembleur, il a probablement été le meilleur ciment de cette concertation au sein d’une MRC réputée tricotée serrée, mais aux réalités pourtant très hétérogènes sur le plan socioéconomique. Il suffit de regarder à quel point son appui était sollicité par tous les maires du territoire, notamment celui de La Pocatière Sylvain Hudon dans les dossiers chauds du maintien des soins de santé, de l’usine Bombardier devenue Alstom et de l’ITA maintenant ITAQ, pour constater tout le respect qu’il inspirait chez ses pairs.
À cet égard, la seule déception du règne d’Yvon Soucy demeurera probablement l’impartialité dont il a toujours fait preuve sur l’enjeu des nécessaires regroupements municipaux au Kamouraska, malgré tout l’ascendant qu’il exerçait pourtant sur le conseil des maires. Par l’unanimité des décisions qui y étaient prises, souvent par la confiance qu’il suscitait chez ses pairs, il aurait certainement eu les coudées franches et le tact nécessaire pour accompagner ses collègues élus dans cette réflexion. Peu importe celui qui lui succédera le 7 novembre, il est clair que ce nouveau préfet ne disposera pas de la maturité politique nécessaire à pousser cet enjeu dans un premier mandat. Aussi bien dire à ce chapitre, un rendez-vous malheureusement manqué.
Rayonnement
L’autre accomplissement remarquable d’Yvon Soucy et qu’il ne faudrait pas passer sous silence a probablement été la visibilité politique nationale qu’il a apportée au Kamouraska, notamment comme vice-président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), mais également par l’importance qu’il a accordée à l’attractivité de la région par le biais du marketing territorial, une bibitte encore bien nébuleuse jusqu’à tout récemment, mais depuis reprise à toutes les sauces par plusieurs autres MRC et municipalités au Québec. Les audacieuses missions économiques organisées à Montréal et Québec sont aussi une illustration concrète de ce désir à faire rayonner le Kamouraska au-delà de ses frontières naturelles sud-côtoises ou bas-laurentiennes.
Cette fierté kamouraskoise, dont il a été un des principaux artisans sur le plan politique, a certainement inspiré, mais dans une autre mesure, des ambassadeurs du milieu culturel à la visibilité nationale et toute une nouvelle génération d’entrepreneurs aux projets nichés et bien branchés à faire la promotion du nom Kamouraska à l’échelle du Québec, mais dans une approche qui à coup d’hashtags sur les médias sociaux a probablement pris davantage l’allure d’une marque de commerce que d’une destination durable. L’achalandage touristique jugé aujourd’hui par certains comme étant démesuré, au grand dam des résidents se trouvant surtout sur le littoral, est certainement lié à cette visibilité accrue alimentée davantage par les acteurs de l’industrie que par la MRC, et cela, malgré le fait que cette croissance du secteur se soit déroulée essentiellement sous le règne d’Yvon Soucy.
Reconnaissant envers ceux qui l’ont appuyé durant toutes ces années — plusieurs anciens maires et employés de la MRC s’étaient déplacés pour assister au discours d’Yvon Soucy le 13 octobre —, il n’en demeure pas moins que dans toute son humilité, le préfet sortant a été un des principaux artisans de ces réussites. Par l’ardeur et la disponibilité qu’il a accordées à sa fonction, il quitte aujourd’hui avec le sentiment du devoir accompli mérité, en plus de laisser en héritage une redéfinition du rôle de la préfecture au Kamouraska à laquelle on se référera pour encore plusieurs années.