La MRC de Kamouraska veut faire reconnaître la valeur protectrice des aboiteaux

Vue sur l’aboiteau en bordure du village de Saint-André. Photo : Maxime Paradis.

La MRC de Kamouraska plaide auprès de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) pour faire reconnaître les aboiteaux comme des ouvrages de protection. Cette demande s’inscrit dans la foulée de l’adoption prochaine par le gouvernement provincial du projet de loi 67.

Intitulé « Loi instaurant un nouveau régime d’aménagement dans les zones inondables des lacs et des cours d’eau, octroyant temporairement aux municipalités des pouvoirs visant à répondre à certains besoins et modifiant diverses dispositions », la mouture actuelle du projet de loi 67 prévoit retirer aux MRC la possibilité d’octroyer des dérogations aux immeubles situés en zone inondable de grand courant.

En vertu de l’article 4.2.2 de la politique actuelle de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, la MRC de Kamouraska n’a accordé ces dernières années que deux dérogations de ce type sur tout son territoire. L’une concernait la prise en approvisionnement en eau de la Municipalité de Rivière-Ouelle et l’autre permettait l’agrandissement d’une ferme d’élevage dans la Municipalité de Kamouraska.

« […] ces deux dérogations, à notre connaissance, n’ont pas représenté un risque pour la sécurité des personnes ou pour la protection des biens, pas plus qu’elles n’ont eu d’impacts négatifs sur l’environnement », peut-on lire dans une résolution d’opposition à l’article 4 du projet de loi 67, adoptée le 3 novembre dernier par le conseil municipal de Saint-André-de-Kamouraska.

Selon le préfet de la MRC de Kamouraska, M. Yvon Soucy, cet article est d’autant plus surprenant que les MRC, du moins la sienne, suivaient déjà un processus rigoureux avant d’autoriser ou non ce type de dérogation. Il ajoute même que le gouvernement provincial demeurait, au final, celui qui avait le dernier mot sur ce type de demandes.

« Les discussions que nous avons jusqu’à maintenant avec la ministre (Andrée Laforest) nous permettent de croire que le projet de loi serait adopté tout de même, mais qu’un cadre normatif pourrait être instauré pour venir assouplir l’article 4 », résume Yvon Soucy.

Ouvrage de protection

Ce cadre normatif, suggère-t-on, pourrait porter sur une reconnaissance des ouvrages de protection comme les aboiteaux, dont la fonction première est de permettre de cultiver des terres gagnées sur le fleuve, mais qui permet également de protéger une bonne partie du village de Saint-André-de-Kamouraska, situé dans une zone propice aux débordements du fleuve lors de puissantes tempêtes printanières ou automnales.

Une rencontre avec la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation a d’ailleurs permis de la sensibiliser à cette particularité kamouraskoise, de confirmer Yvon Soucy.

« On fonde beaucoup d’espoir sur cette reconnaissance, car le développement de Saint-André est actuellement limité par le fait que le cœur du village se trouve en bonne partie en zone inondable », déclare le maire, Gervais Darisse, point qui avait été soulevé précédemment dans Le Placoteux, en mars 2019.

Ce développement, qui est pratiquement impossible au cœur du village, impose même des normes très restrictives aux résidents. L’interdiction d’aménager les sous-sols, par exemple, l’impossibilité d’agrandir les maisons ou même de les doter de galeries dans certains cas, ne sont que quelques exemples de ces limitations.

« Et pourtant, quand il y a un débordement chez nous (à Saint-André), ça ne dure que quelques heures, non pas des jours où des semaines. Et la contamination des sous-sols demeure très limitée, car nous sommes dans l’eau salée » rappelle le maire, en référence au projet de loi 67 du gouvernement qui se veut une réponse aux inondations printanières de 2017 et 2019 dans la région montréalaise, notamment celle à Sainte-Marthe-sur-le-Lac provoquée par la rupture de la digue principale de la ville.

La MRC de Kamouraska croit donc qu’en menant une étude sur la qualité des aboiteaux, elle pourrait influencer la décision du gouvernement sur l’application de son futur cadre normatif. En précisant leur degré de résistance aux intempéries, il serait ainsi plus facile de faire la démonstration que les aboiteaux agissent comme ouvrage de protection.

« Il est bon de rappeler que l’aboiteau de Saint-André a été subventionné à 80 % par le ministère de la Sécurité publique. En 2012, il reconnaissait très bien que l’ouvrage était sécuritaire. Il serait plutôt ironique qu’il dise le contraire aujourd’hui », conclut Gervais Darisse.