Parce que le propriétaire y a finalement renoncé, et non parce que la Ville de La Pocatière s’y est opposée, une maison de près de 200 ans a évité de passer sous le pic des démolisseurs sur la 4e Avenue Painchaud. Des organismes de défense du patrimoine bâti pressent maintenant la Ville de doter son artère principale d’un plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA).
Communément appelée maison Maurais, car elle aurait été bâtie en 1895 par Louis Maurais, inspecteur municipal, boulanger et cultivateur de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, le 731, 4e Avenue Painchaud est aujourd’hui la propriété de la société immobilière Bellema S.E.C. Dans l’inventaire du patrimoine bâti de la MRC de Kamouraska, la maison, dont on estime même la construction à 1848, en raison de sa configuration architecturale, est considérée comme ayant une valeur patrimoniale moyenne.
En novembre dernier, le Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu (GIRAM) a toutefois exhorté par lettre la Ville de La Pocatière à infirmer sa décision du 12 octobre concernant la démolition de ladite maison sous certaines conditions. « La maison Maurais est, selon le GIRAM, un bâtiment facilement restaurable qui devrait retrouver son caractère historique, d’autant plus que les résidences similaires sont devenues rares dans le paysage urbain », pouvait-on lire dans la missive datée du 9 novembre.
Deux jours plus tard, c’était au tour de la Fédération Histoire Québec (FHQ) d’en faire autant, rappelant la révision récente de la Loi sur le patrimoine culturel du ministère de la Culture et des Communications, afin de contrer les « démolitions sauvages à travers le Québec » qui ont défrayé la manchette au courant de la pandémie. « Force est de constater que plusieurs municipalités ont du mal à vivre avec cet objectif », était-il écrit.
Démolition avortée
Malgré les cris du cœur formulés par le GIRAM et la FHQ, c’est la société immobilière Bellema qui a mis fin au projet de démolition, sans avoir eu vent, à ce moment, des oppositions formulées par ces deux organisations. L’avis public à cet effet a été donné le 14 novembre, trois jours après l’envoi de la missive de la FHQ.
Comme l’autorisation de démolition octroyée précédemment par la Ville de La Pocatière était « conditionnelle », Mario Deguire, administrateur pour Bellema, a mentionné au Placoteux que le projet a avorté parce que son organisation n’était pas en mesure de répondre aux exigences formulées dans les délais prescrits. « C’est un projet probablement reporté », a-t-il déclaré.
À ce moment, Mario Deguire évoquait que le bâtiment, actuellement occupé par des locataires, nécessitait trop de rénovations pour le conserver à long terme. Or, après avoir consulté les deux lettres du GIRAM et de la FHQ relayées par votre hebdomadaire, il a finalement revu la position de son organisation, indiquant finalement que toutes les possibilités seraient étudiées, dont la restauration, « avant de prendre une décision dans ce dossier ».
PIIA
Informés des récents développements, le GIRAM et la FHQ se sont dits soulagés de la tournure des événements, mais pas nécessairement « rassurés » par l’attitude de la Ville de La Pocatière à l’égard de son patrimoine bâti.
« La Pocatière a des racines profondes dans l’histoire de la Côte-du-Sud, et aussi dans celle du Québec tout entier; ceci ne représente pas un fardeau, mais un atout, une richesse pour le futur », a indiqué en réaction Pierre-Paul Sénéchal, président du GIRAM.
Clément Locat, président du comité du patrimoine à la FHQ, a pour sa part été beaucoup plus cinglant : « Que des élus, membres du comité de démolition, émettent un permis de démolition pour ce bâtiment […], allant ainsi à l’encontre de la position du service d’urbanisme local, du schéma d’aménagement et de développement de la MRC, et de la valeur reconnue du bâtiment démontre l’importance du virage à prendre à La Pocatière en matière de patrimoine. Il est important que la Ville se dote d’un PIIA, ou d’un programme particulier d’urbanisme pour protéger les secteurs patrimoniaux. »
Au Kamouraska, six municipalités (Kamouraska, Rivière-Ouelle, Saint-Alexandre, Saint-Pacôme et Saint-Pascal) se sont dotées d’un règlement sur les PIIA, comme l’a souligné le président du GIRAM dans sa missive du 9 novembre. Le maire de La Pocatière Vincent Bérubé n’a pas fermé la porte à emboîter le pas pour la 4e Avenue Painchaud, sans s’y engager pour autant.
« Dans un contexte où le coût des matériaux explose, je ne voudrais pas non plus qu’on devienne trop contraignant en matière de réglementation auprès des propriétaires qui désirent effectuer des rénovations à leurs propriétés », a-t-il indiqué.
Rappelons qu’un PIIA (plan d’implantation et d’intégration architecturale) n’empêche pas la démolition des bâtiments patrimoniaux. Il vise plutôt à atteindre une certaine forme d’harmonie, sur le plan architectural, dans un secteur précis, par l’usage, entre autres, de certains matériaux pour la rénovation ou la construction de bâtiments de toute nature.