Le dysfonctionnement du Canada

Justin Trudeau. Photo : Wikipedia

À 25 % dans les intentions de vote, et à un peu plus d’un an des prochaines élections fédérales, les observateurs de la scène politique canadienne pouvaient facilement s’imaginer que le gouvernement Trudeau — non réputé pour sa saine pratique des finances publiques — allait encore endetter le pays en creusant encore plus le déficit dans le cadre du prochain budget fédéral. Cependant, force est de constater que peu d’entre eux avaient prédit voir le pays s’endetter davantage, en raison particulièrement du viol à ciel ouvert de la constitution du Canada par Justin Trudeau. Le fédéral s’immisce en effet de plus en plus dans les champs de compétences provinciales, et il ne s’en cache même pas…

Évidemment, pour le commun des mortels, ces chicanes de compétences n’ont que peu d’intérêt, « pourvu que les chèques arrivent à destination », pense-t-il. Par contre, si un gouvernement ne respecte pas sa propre constitution et qu’il change les règles en cours de route, et ce, sans l’amender comme le veut la procédure, il crée du même souffle un dangereux précédent. À quoi bon ainsi avoir des règles quand on les change selon la réalité politique du moment? Oui, c’est bien ce dont il s’agit!

En réponse à Poilievre

La crise du logement touche durement l’ensemble du pays. Les logements sont de plus en plus rares, et la loi de l’offre et de la demande provoque une montée vertigineuse du prix des maisons et des loyers. On ne construit également pas assez d’unités. Avouons-le, il s’agit d’une crise majeure au pays. Bien entendu, le chef de l’opposition conservatrice à Ottawa, Pierre Poilievre en fait ses choux gras, et c’est tout à fait légitime dans les circonstances présentes.

Selon plusieurs, les attaques de Poilievre, avec son parti qui possède 17 points d’avance sur les troupes libérales, auraient poussé le premier ministre Trudeau à annoncer la création d’un nouveau fonds visant à protéger et agrandir le parc de logements abordables au pays, un investissement représentant un milliard de dollars en prêts, et 470 millions en contributions à différents partenaires.

Qui plus est, cinq milliards de dollars sont actuellement sur la table pour convaincre les provinces d’adopter certaines des priorités du fédéral en matière de logement, notamment la création d’une Charte des droits des locataires incluant un bail uniforme de location à l’échelle du pays. Trudeau a même annoncé qu’il conclura des ententes directement avec les municipalités, si les gouvernements provinciaux ne signent pas l’entente d’ici la fin de l’année. Le problème, c’est que cet enjeu ne concerne pas le fédéral, mais bien le provincial. Idem pour le programme national d’alimentation scolaire, annoncé récemment par Trudeau, visant à fournir des repas à 400 000 enfants de plus par an à travers le pays.

Ce qui veut donc dire que, pour les sommes annoncées concernant le logement et les repas aux enfants, Trudeau est fort conscient qu’il joue dans les plates-bandes des provinces. Pourtant, il continue à tenter de faire du millage sur ces enjeux en se contrefoutant carrément des articles définissant le partage des pouvoirs de la fédération canadienne. En somme, il centralise le pays au détriment des provinces, et ce, à des fins politiques et électoralistes, sans respecter la constitution…

L’immigration

L’Initiative du siècle est un influent groupe de pression canadien financé par les puissants milieux d’affaires de Toronto. Il milite en faveur d’une hausse radicale de l’immigration, de manière à augmenter la population du Canada à 100 millions d’ici 2100. Toutefois, selon le chroniqueur politique, Mario Dumont, le Canada a franchi tout récemment le seuil du 41 millions d’habitants, de sorte que si le pays maintenait le rythme de 2023 en immigration, il faudrait finalement 46 ans pour que le Canada se rende à 100 millions d’habitants, ce qui nous amène en 2070, soit 30 ans, plus vite que l’objectif initial…

À cette cadence, le Québec ne représentera plus que 15 % du Canada dès 2070, alors qu’en 1840, lors de l’Acte d’union unissant le Haut et le Bas-Canada, les francophones possédaient une majorité de 58 %. Désormais, le poids politique du Québec au sein du Canada n’est que de 22 %, et le poids de l’entièreté des francophones du Canada se situe à 22,8 %, dont 85,4 % demeurent au Québec.

Par ailleurs, les immigrants temporaires ont atteint un sommet historique au Québec, leur nombre ayant bondi de 46 % en un an, pour l’ensemble des catégories, passant de 361 000 à 528 000.  Au Canada, le nombre d’immigrants temporaires atteint 2,5 millions. Même que Justin Trudeau lui-même a fini par admettre que les niveaux d’immigration au Canada ces dernières années dépassaient notre capacité d’accueil. En résumé, le Canada et le Québec ne possèdent pas les infrastructures d’accueil pour ce flot migratoire qui est indéniablement hors contrôle…

Évidemment, le premier ministre du Québec, François Legault a reconnu cet état de fait, et a même affirmé ne pas exclure la possibilité de tenir un référendum sectoriel sur les politiques d’immigration si les négociations avec le gouvernement fédéral n’aboutissent pas. Le ministre fédéral responsable du dossier, Marc Miller a néanmoins réagi rapidement aux propos de M. Legault, excluant d’emblée la possibilité de transférer des pouvoirs au Québec en la matière. « Un pays qui donne tous ses pouvoirs à quelqu’un d’autre n’est plus un pays que ce soit un État fédéré ou autre, et donc, partons de là », a-t-il précisé.

Le nationalisme autonomiste du premier ministre Legault en a ainsi mangé un coup… Que fera-t-il de plus si finalement, même avec l’appui de la population québécoise, le gouvernement fédéral refuse de céder? Le message du ministre Miller est assez clair, non? Est-ce que M. Legault va brandir la menace séparatiste, alors que dans les partisans de la CAQ, il ne reste essentiellement que des fédéralistes, les souverainistes étant retournés au Parti Québécois? Rappelons que la Coalition avenir Québec ne récolte désormais que 22 % des intentions de vote dans la belle province…

Manifestement, François Legault provoque la même crainte à Ottawa qu’un chien qui jappe fort, mais qui demeure attaché, tout en ne possédant qu’un souvenir de crocs. En somme, il n’a aucun rapport de force avec le fédéral. Posons-nous donc la question suivante : est-ce que le Québec a un avenir dans le Canada? Si je me fie à la tendance depuis l’Acte d’union de 1840, poser la question, c’est assurément y répondre…