Devant l’ampleur des défis posés par les questions environnementales, de nouvelles manières de penser nos échanges et nos modes de consommation émergent un peu partout sur la planète, et le Kamouraska est en tête de peloton des créateurs de solutions concrètes, grâce à l’initiative de la Société d’aide au développement des collectivités (SADC) du Kamouraska.
L’économie circulaire (ÉC) est un concept relativement nouveau, dont il n’existe pas de définition consensuelle internationale. Il a émergé du constat de l’échec prévisible d’une économie basée sur la croissance perpétuelle, alors que nous vivons sur une planète aux ressources limitées. Au Québec, on s’est entendu pour définir l’ÉC comme un système économique qui vise à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un objet, d’en réduire l’empreinte environnementale, et de s’assurer que sa production contribue au bien-être des collectivités et des individus. Dans sa plus simple expression, il s’agit de rationaliser la production, et de profiter du fait que les déchets de l’un sont la matière première de l’autre.
Pour mieux comprendre cette nouvelle idée, le Placoteux a rencontré Émilie Dupont, coordonnatrice de la démarche d’économie circulaire à la SADC.
En 2010, alors agente de développement à la SADC, Émilie Dupont collabore à l’élaboration d’une politique de développement durable au Kamouraska. Celle-ci a fait naître l’idée de créer un réseau local d’échanges entre entreprises – la symbiose industrielle. Émilie Dupont met aussitôt sur pied un projet-pilote regroupant la SADC, la Co-éco, le CRIQ (Centre de recherche industrielle du Québec) et VRIQ (Villes et régions innovantes du Québec).
La première étape a été le recrutement d’entreprises désireuses de tenter l’expérience. « En recrutant des volontaires, explique Émilie Dupont, on s’assurait de la meilleure coopération possible de la part des entreprises ».
Quatre entreprises ont immédiatement signalé leur intérêt : Bombardier Transport, la fromagerie Le mouton blanc, la compagnie Normand et Biopterre, auxquelles s’est jointe la MRC de Kamouraska. « Ce mélange d’ambassadeurs de grande, moyenne et petite taille nous a donné une crédibilité et une force incroyables pour frapper à la porte des entreprises », affirme la coordonnatrice. En 2015, elles étaient déjà 25 à participer.
L’étape suivante, appuyée par l’expertise du Centre de transfert technologique en écologie industrielle de Sorel-Tracy, a été la recension systématique des intrants (ce qui entre dans l’entreprise) et des extrants (ce qui en sort). Les premiers surpris ont été les gestionnaires eux-mêmes : « Ils savent ce qu’ils achètent, explique Émilie Dupont, mais là ils réalisaient que des produits qu’ils avaient payés, manutentionnés, et pour lesquels ils étaient prêts à payer une deuxième fois simplement pour s’en débarrasser, étaient en fait une ressource précieuse pour d’autres entreprises, donc une source de revenus pour eux. »
L’intérêt financier est apparu immédiatement, au point même que les bénéfices environnementaux ont pu être présentés comme des corollaires appréciables d’un projet essentiellement économique. « Notre discours est aux deux tiers économique pour un tiers environnemental, souligne madame Dupont. Je pense que c’est ce qui fait la force de ce projet. »
En fait, le volet environnemental a souvent été le coup de pouce pour décider les entrepreneurs à embarquer, même si les avantages financiers étaient minces. Ça et le soutien logistique de l’équipe SADC et de ses partenaires. « Les entrepreneurs sont submergés par leurs nombreuses tâches, souligne la coordonnatrice. Notre rôle est de leur simplifier les choses pour concrétiser les actions. »
Les nombreuses données recueillies dans cette phase du projet se sont révélées essentielles pour la suite, permettant de repérer et de concrétiser des partenariats, et même de favoriser l’implantation de nouvelles entreprises sur le territoire.
En 2019, le projet compte 51 adhérents. Leurs actions ont permis de détourner 196 tonnes de matières des sites d’enfouissement, d’éviter l’émission de 306 tonnes les gaz à effet de serre au Kamouraska et de réaliser des économies de 79 594 $.
L’idée fait son chemin, est bien accueillie par les gens d’affaires et suscite désormais des actions spontanées, même en dehors du cadre soutenu par la SADC.
Le concept d’économie circulaire s’étend dans toutes les directions. L’écoconception planifie en amont la création d’un produit pour optimiser son cycle de vie : durabilité, réparabilité, etc. Il s’étend aussi à la qualité de vie des employés, pour leur assurer des conditions de travail saines, confortables et inclusives. C’est dans cette perspective que les entreprises collaboratives et d’économie sociale sont très impliquées dans le projet. Les Ateliers Mon-Choix en sont un bel exemple.
Les témoignages des entrepreneurs impliqués sont unanimes : l’économie circulaire est rentable, écologique et socialement responsable. Les efforts déployés au Kamouraska prouvent aussi que c’est un concept adapté à la réalité des entreprises. L’enthousiasme avec lequel il a été adopté place notre région dans une position de leader des avancées environnementales au Québec, un avantage concurrentiel certain pour les entreprises d’ici.
Pour plus d’information : SADC : https://sadckamouraska.com/economie-circulaire-2/
Biopterre et les champignons
L’entreprise de La Pocatière a développé une importante expertise en mycotechnologies. Les champignons ont en effet de multiples propriétés qui en font des alliés précieux de l’économie circulaire. Ils peuvent entre autres servir à la décontamination de matières résiduelles. Par exemple, un type de champignon est capable de dégrader la colle de panneaux de bois aggloméré pour en permettre la réutilisation.
Groupe Gibo
Le manufacturier de Saint-Pascal est entré dans la pensée circulaire en développant un partenariat avec son fournisseur pour que celui-ci récupère et revalorise les déchets de mousse de polyuréthane générés par ses activités. Le projet a permis d’éliminer complètement ces rebuts, qui ne sont plus enfouis. En plus d’entraîner une réduction d’émissions de 80 tonnes de CO2 en transport, Groupe Gibo a réalisé une économie de 12 000 $ par année en coûts de gestion et de transport.
École La Pruchière
Les élèves de l’école élémentaire de Saint-Pacôme avaient de la difficulté à se concentrer dans la bibliothèque. Ils ont proposé de créer un coin zen réservé à la lecture. Le projet a été adopté par l’équipe-école, un local a été libéré et les parents, professeurs et élèves se sont mis à la tâche. Tout l’aménagement a été réalisé à partir de matériaux recyclés, dont une bonne partie a été fournie par le Groupe Gibo sous la forme de retailles de tissu, de mousse de polyuréthane pour le rembourrage des coussins et de bois.
Skisrécup
Il y a maintenant quelques années que la polyvalente de Saint-Pascal possède sa propre entreprise de récupération d’équipement de ski et de planche à neige. On en fait du mobilier original que les stations de plein air et des centres de glisse s’arrachent. Les sommes recueillies servent à financer les activités étudiantes.
Les ateliers Mon choix
Cette entreprise d’économie sociale de Saint-Pascal offre des services de déchiquetage de documents, de sérigraphie et de broderie, de couture et de surcyclage (transformation de vêtements usagés en créations textiles sur mesure), et de sous-traitance dans plusieurs domaines. Elle permet à des personnes avec des limitations d’acquérir des compétences et de développer leurs habiletés sociales et professionnelles, tout en détournant des sites d’enfouissement 221 tonnes de papier, 2,5 tonnes de vêtements et beaucoup de matériel de bureau. Les profits sont réinvestis dans des expériences de stage qui forment une main-d’œuvre semi ou non spécialisée pour les entreprises de la région.