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Les agriculteurs demandent leur juste part du FECC

L’Union des producteurs agricoles et ses organisations affiliées souhaitent une approche plus équitable de la tarification du carbone. (Groupe CNW/Union des producteurs agricoles)

L’Union des producteurs agricoles (UPA) — incluant la fédération régionale du Bas-Saint-Laurent — demande au gouvernement québécois d’assurer un meilleur équilibre entre la tarification du carbone, imposée depuis une décennie aux producteurs, et les bénéfices qu’ils en retirent.

Récemment, une centaine de producteurs étaient réunis à Saint-Jean-sur-Richelieu pour réclamer l’exemption des carburants agricoles du SPEDE, également connu sous le nom de bourse du carbone. Bien que le secteur agricole ne soit pas directement visé par ce système, les producteurs doivent payer une taxe sur les carburants qu’ils consomment — diesel pour les tracteurs, propane pour le séchage du grain, gaz naturel pour chauffer les étables — ce qui représente un fardeau financier estimé à plus de 80 M$ par an. Les revenus tirés de cette taxe servent à alimenter le Fonds d’électrification et de changements climatiques (FECC).

Au Bas-Saint-Laurent, les producteurs partagent le même constat. Pour Nathalie Lemieux, présidente de la fédération régionale, il est temps que Québec réinvestisse la juste part du FECC dans des projets agricoles concrets, en lien avec l’adaptation aux changements climatiques. Depuis 2015, le secteur agricole aurait contribué pour près de 500 M$ à ce fonds pour des retombées qui ne sont pas jugées équivalentes.

Cette situation est fréquemment dénoncée par le milieu agricole québécois, car producteurs des autres provinces sont depuis toujours exemptés de ce type de contribution, ou elle leur est remboursée, en tout ou en partie. L’abandon récent de la tarification sur le carbone (volet consommateur) par les gouvernements canadien et britanno-colombien relance le débat sur cette iniquité historique et croissante à l’endroit des entreprises agricoles du Québec.

Lors de l’étude des crédits budgétaires 2025-2026 du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec le 8 mai dernier, le ministre André Lamontagne a indiqué que 150 M$ du FECC ont servi au financement de telles initiatives depuis 2020, une affirmation que l’UPA et ses organisations affiliées lui demandent de démontrer.

« Les producteurs du Québec comprennent que la lutte aux changements climatiques est importante. Mais ils considèrent à juste titre que la situation actuelle est inéquitable, comparativement à leurs homologues des autres provinces. Un rééquilibrage s’impose, qu’il s’agisse de remboursements, de réinvestissements, ou d’une combinaison des deux », explique le président général de l’UPA, Martin Caron.

Réformer ?

Ainsi, considérant les préjudices de l’actuel système, et l’absence de véritables solutions de rechange aux énergies fossiles pour de nombreux usages en agriculture, l’UPA adoptait une résolution, lors de son congrès général de décembre dernier, demandant au gouvernement de procéder à un remboursement du coût de la tarification comme il se faisait alors dans le reste du Canada.

La résolution demandait également à Québec de donner suite le plus rapidement possible à son annonce du mois de juin 2024 promettant la mise en place de programmes structurants nécessaires, exclusivement consacrés au secteur agricole, afin de favoriser la résilience des fermes du Québec face aux changements climatiques, et lutter contre les émissions de GES.

« Nos producteurs demandent à être appuyés à la hauteur que représente le défi de l’adaptation aux changements climatiques. Notre volonté de faire notre part pour l’environnement demeure réelle, mais, sans davantage de réinvestissement du gouvernement, il sera difficile, dans ce contexte, de faire plus avec moins pour nos entreprises agricoles », a conclu Nathalie Lemieux.

Comprendre le marché du carbone

Le Système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (SPEDE), mieux connu sous le nom de marché du carbone, est en vigueur au Québec depuis 2013. Il s’agit d’un mécanisme économique qui vise à réduire les émissions industrielles de gaz à effet de serre (GES) de façon progressive et encadrée.

En 2014, le Québec a joint ses efforts à ceux de la Californie, créant ainsi le plus grand marché du carbone en Amérique du Nord. Ce partenariat permet aux entreprises des deux territoires d’acheter et de vendre des droits d’émission dans un marché commun.

Comment fonctionne le SPEDE ?

Le gouvernement fixe un plafond annuel d’émissions de GES pour les secteurs les plus émetteurs (énergie, industrie, distribution de carburants, etc.). Ce plafond diminue graduellement chaque année, afin d’encourager une baisse globale des émissions. Les entreprises assujetties doivent cependant détenir une unité d’émission pour chaque tonne de CO₂ (ou équivalent) qu’elles émettent.

Ces droits peuvent être alloués gratuitement (en partie) pour éviter les fuites de carbone vers d’autres territoires non réglementés ; achetés aux enchères publiques organisées plusieurs fois par an ; ou échangés entre entreprises, selon l’offre et la demande. Ce système, dit-on, met une pression financière croissante sur les entreprises polluantes, tout en leur offrant de la flexibilité, puisque celles qui innovent ou réduisent leurs émissions peuvent revendre leurs surplus d’unités.

L’argent recueilli par les ventes aux enchères alimente le Fonds d’électrification et de changements climatiques (FECC). Ce fonds public finance des projets dans tous les secteurs : électrification des transports ; amélioration de l’efficacité énergétique ; agriculture durable ; innovation technologique verte.

Et le secteur agricole ?

Même si les émissions agricoles directes (comme la digestion animale ou les fumiers) ne sont pas tarifées, les agriculteurs sont indirectement touchés par le SPEDE. Ils doivent en effet payer une surtaxe sur les carburants fossiles nécessaires à leurs activités — diesel, propane, gaz naturel —, ce qui représente des milliers de dollars par ferme chaque année.